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Politique

Pierre-Claver Maganga Moussavou : "Les dispositions transitoires contenues dans la loi sur les partis politiques ne correspondent en rien à ce que nous avons arrêté ensemble"

Pierre-Claver Maganga Moussavou

L'Union. Monsieur le président, la loi relative aux partis politiques, dont vous avez été membre du Comité d'élaboration de l'avant-projet, a été promulguée le 27 juin dernier. Qu'en dites-vous ?

- Pierre-Claver Maganga Moussavou : Tout d'abord, je voudrais vous remercier de l'opportunité que vous m'offrez de m'exprimer dans vos colonnes. Effectivement, j'ai été membre de ce Comité. Et à ce titre, j'aimerais faire savoir qu'à chaque fois que le président de la République convie les Gabonais à une concertation, c'est un signe on ne peut plus intéressant, le montrant au-dessus de la mêlée et laissant les acteurs politiques, tout court, à se concerter afin de parvenir à mettre sur pied une oeuvre reflétant le travail accompli. C'est ce que nous avons fait pendant dix jours avec d'autres personnalités venant de divers horizons. Sauf que, je dois à la vérité de dire que les dispositions transitoires contenues dans le texte final ne sont pas ce que nous avons retenu.

Pouvez-vous être plus précis ?

- Jugez-en vous-même. On demande notamment aux partis politiques existants pour certains depuis la Conférence nationale d'avoir, dans un délai de douze (12) mois, dix mille adhérents. Cette disposition, nous l'avons rejetée. À mon sens, c'est une aberration. Vous êtes nés, on ne peut pas vous demander de renaître, mais de vous améliorer. J'ai bien peur que cela ne débouche sur certaines dérives. Vous ne pouvez pas repartir à zéro, ça ne sert absolument à rien. D'autant que l'on peut fort logiquement se demander à quoi vont servir ces dix mille adhérents.

Est-on sûr qu'ils vont cotiser ou voter pour le candidat de leur parti lors d'une élection ? Cette exigence n'apporte rien. Elle ne permettra pas, en tout cas, aux formations politiques d'être sûres d'avoir des élus au Parlement et dans les conseils locaux. Vous savez, les Gabonais ont dans leur cantine, les tee-shirts de tous les partis politiques qu'ils arborent selon les événements. Sans oublier que ce qui compte le plus à leurs yeux, c'est la capacité financière du responsable du parti politique que les idées qu'il véhicule. C'est vous dire !

À côté de çà, dans le même temps, l'on pourrait se retrouver avec les mêmes militants à gauche et à droite dont certains n'auraient pas donné leur consentement. L'esprit de facilité qui anime mes compatriotes pourrait les amener à faire un certain nombre de choses. J'ose seulement espérer que les services du ministère de l'Intérieur veilleront au grain. Bref, au risque de me répéter, les dispositions transitoires ne correspondent en rien à ce que nous avons décidé ensemble.

Qui aurait eu intérêt à les modifier ?

- Ce que je voudrais dire c'est que lorsque le président de la République commet une Commission ou un Comité, ce n'est pas pour qu'à la fin, du fait d'avoir un Parlement à sa guise, il refasse ce pour quoi nous nous sommes réunis à sa demande. À l’issue d'une concertation, lorsque vous avez le sentiment qu'une de vos préoccupations n'a pas été retenue ou du moins que les sbires que vous avez nommés n'ont pas été à la hauteur de vos espérances, il n'est pas conseillé de revenir sur ce que les membres de l'instance ont arrêté de commun accord.

Nous sommes dans la Ve République, il est essentiel que nous y entrions tous de plain-pied. Par le passé, notre pays n'a que trop souffert de cette volonté de puissance. L'État n'a pas à s'immiscer dans le fonctionnement des partis politiques, il peut les conseiller d'une certaine manière. Il revient aux politiques d'en fixer les grandes règles. À travers ces dispositions transitoires, nous sommes loin de ce chemin.

Alors, comment qualifieriez-vous cette loi ? Allez-vous vous cantonner dans cette posture de dénonciation ?

- Écoutez, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une loi scélérate. Elle a été dénaturée, en partie, c'est bien dommage. N'attendez pas de moi que je saisisse la Cour constitutionnelle de la Transition. À mon âge, je ne me fais plus d'illusions. Une juridiction de Transition, alors que nous ne sommes plus en période exceptionnelle, que peut-on en attendre ? Les choses ont été décidées ainsi, elles resteront en l'état. Le contraire n'est guère concevable.

Tout de même, ce texte contient des avancées majeures. Vous semblez ne pas en tenir compte ?

- Je vous le concède, mais c'est le principe qui me heurte. Pourquoi avoir introduit des dispositions transitoires que les membres du Comité d'élaboration de l'avant-projet n'ont pas retenues ? Toute la question est là. Doit-on, du fait de sa position, manipuler un texte, fruit d'une concertation libre, large, consensuelle et démocratique ? Je vous laisse répondre à cette question. Oui, effectivement, il contient des dispositions de nature à améliorer le fonctionnement de notre démocratie en faisant des partis politiques, des acteurs essentiels de la vie publique.

La nécessité d'avoir un siège, un compte bancaire participe de cette ambition. L'exigence d'un compte permettra notamment à l'État d'avoir une certaine lisibilité sur l'argent qu'il leur aura octroyé, via la subvention. De manière à s'assurer que les fonds publics ne vont pas dans les poches des dirigeants, comme on a pu le déplorer par le passé. D'où les dispositions reposant sur le respect des principes de bonne gouvernance dans la gestion quotidienne du parti, sur fond de transparence, responsabilité, probité et de reddition des comptes.

De même, pour éviter les abus et autoritarisme, il a clairement été indiqué que les formations politiques ont un libre accès aux moyens officiels d'information et de communication de l'État et bénéficient d'un traitement équitable par les médias publics. A priori donc, plus aucun membre du gouvernement ou responsable d'un média public ne devrait plus interdire la libre expression du pluralisme sur une quelconque chaîne publique. Il serait donc souhaitable, que les uns et les autres en soient conscients.

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Retrouvez l'interview complète de Pierre-Claver Maganga Moussavou dans L'Union du 3 juillet 2025 sur le Kiosque Sodipresse

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