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Personnalités gabonaises

Les militaires et la politique (II)

Amiral Gabriel MALLY HODJOUA, 2e vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition

Amiral Gabriel MALLY HODJOUA, 2e vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition © DR

Par Amiral Gabriel MALLY HODJOUA | 2e vice-président de l’Assemblée nationale de la Transition

Frantz Fanon, qui écrit dans les " Damnés de la Terre ", que " chaque génération doit découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir ", nous " sert de phare ", comme aimait le dire le général Ba Oumar, en renchérissant " qu’un gouvernement ou un parti obtient le peuple qu’il mérite. Tôt ou tard, un peuple obtiendra le gouvernement qu’il mérite ". Ces citations fortes nous aident assurément, comme Rabelais, à " rompre l’os et sucer la substantifique moelle ".

La politisation du militaire au Gabon

L’armée gabonaise, créée le 16 décembre 1960, commandée par les militaires français, qui se referaient à leurs textes, a opéré, le 1er mars 1969, un grand changement, avec sa " Gabonisation ". Pour la première fois, deux militaires gabonais remplacent les Français en prenant les postes de commandement, à savoir le lieutenant-colonel Boulingui, ancien tirailleur sénégalais de la classe 1938, nommé chef d’État-major des Forces armées gabonaises (CEMFAG) et le lieutenant-colonel Nkoma, un ancien de l’infanterie de marine de la classe 1953, nommé Commandant supérieur de la gendarmerie nationale (CSGN).

Il a fallu attendre un quart de siècle, pour voir l’armée gabonaise sortir du giron des textes français, après l’adoption en 1985, de la Loi n° 9/85 du 29 janvier 1986 portant statut général des militaires, qui dispose dans son article 72 que " La position en Service détachée est celle du militaire de carrière placé hors de son corps d’origine pour exercer des fonctions non militaires, publiques, politiques ou électives... " C’est couvert par cette disposition légale, que le Président Omar Bongo Ondimba a ouvert aux militaires, le gouvernement, l’assemblée nationale, les mairies, les ambassades et même le Parti démocratique gabonais (PDG), notamment aux généraux Nkoma, Mamiaka, Assélé, Ivala, Ngari, Mbini, Boulingui, Ndjoy, Ndoumbeneni...

Après le décès d’Omar Bongo Ondimba survenu le 8 juin 2009 à Barcelone en Espagne, son fils Ali Bongo Ondimba est investi Président de la Ré- publique, le 16 octobre 2009. Décidé à changer le système hérité de son père, il s’attaque, après seulement 4 mois à la tête du pays, au statut des militaires, pour revoir plusieurs fondamentaux.

Il a sorti alors l’Ordonnance n° 7/2010 du 25 février 2010 portant statut particulier des militaires, qui abrogea la Loi n° 9/85 du 29 janvier 1986 portant statut général des militaires et rattacha l’armée directement à la Loi N° 001/2005 du 4 février 2005, portant Statut général de la Fonction publique, comme une des composantes de la Fonction publique d’État, détaillées dans l’Article 19.

La Loi N° 001/2005 énonce dans son Article 64, une incompatibilité de l’exercice d’un emploi de la Fonction publique avec le mandat de Président de la République, de parlementaire, les fonctions de Vice-président de la République, de membre de gouvernement... une ouverture est toutefois faite, à l’Article 65, qui stipule que " l’agent public, candidat à l’une des fonctions électives visées à l’article 64 ci-dessus, doit préalablement y être autorisé, dans les conditions fixées par les textes en vigueur ".

Aussi, l’Ordonnance n° 7/2010 du 25 février 2010, portant statut particulier des militaires, dérivé de la Loi N° 001/2005, apporte une pluie d’interdictions, notamment du mariage polygamique, du mariage pendant la durée légale, du mariage entre catégories de grades différents, sauf autorisation du Chef Suprême, de candidature à une fonction publique élective, d’occupation de fonction à caractère politique... Cette ordonnance rétrograde, émet toutefois dans ses articles 155 et 158, deux ouvertures, per- mettant aux militaires de car- rière d’être en détachement ou en disponibilité.

Ces ouvertures sont fortifiées par la Loi organique n° 001/2025 du 19 janvier 2025 portant Code électoral en Ré- publique gabonaise, promulguée le 22 janvier, qui émet les précisions ci-dessous :

  •  ''Les incompatibilités et interdictions liées aux statuts particuliers des magistrats, des Forces de défense et de sécurité et des comptables publics principaux, et consacrées par la présente loi organique, ne sont pas applicables à la prochaine élection du Président de la République, au renouvellement des deux Chambres du Parlement post-Transition et au renouvellement des Conseils locaux et Bureaux des Conseils locaux post-Transition. Toutefois, les personnes concernées par les incompatibilités et interdictions visées à l’alinéa ci-dessus doivent, avant de se porter candidates, solliciter au préalable, une autorisation de leur hiérarchie un mois avant le scrutin. Elles sont mises en disponibilité d’office, dès la déclaration de candidature jusqu’à la fin de leur mandat en cas d’élection. En cas de non-élection, elles réintègrent de plein droit leurs corps d’origine'' (Article 375).

Il est clair qu’aujourd’hui, les textes juridiques de notre pays, laissent des ouvertures conditionnelles aux militaires, pour pouvoir postuler, comme les autres citoyens, à la présidence de la République, au Gouvernement, à l’Assemblée nationale, au Sénat, à la Mairie, à l’Assemblée départementale, ainsi que dans les Ambassades et les Organismes internationaux.

La petite note dissonante à relever, vient de l’Article 44 de la Charte de la Transition, qui dit que " Les membres du Gouvernement de la Transition ne sont pas éligibles à l’élection présidentielle qui sera organisée pour marquer la fin de la Transition. Les officiers supérieurs des Forces de Défense et de Sécurité, nommés membres du Gouvernement, réintègrent leurs corps d’origine à la cessation de leurs fonctions ministérielles ". En dehors de cette exceptionnelle disposition précise et ciblée, les jeux restent ouverts aux militaires, mais en respectant les préalables légaux.

En conclusion, le Gabon a ouvert depuis 1986, à travers la Loi n° 9/85 du 29 janvier 1986 portant statut général des militaires, des portes de sorties encadrées aux militaires, pour pouvoir exercer ou occuper des fonctions non militaires, notamment politiques. Le Code électoral précise clairement qu’il faut que le militaire en activité reçoive une autorisation de sa hiérarchie et qu’il soit placé hors de l’armée en position statutaire de disponibilité, pour prétendre postuler aux fonctions électives.

L’histoire a prouvé la nécessaire inclusivité dans le choix par le peuple des hommes politiques capables. Car ''tous les hommes peuvent faire face à l’adversité ; mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir'', conseille Abraham Lincoln, ancien Président américain.

Il est somme toute important, voire capital, que les militaires qui veulent faire la politique, soient triés avec minutie par leur hiérarchie, en qualité pour leurs capacités et leur valeur, mais aussi en quantité, pour éviter une saignée, qui fragiliserait les Forces de Défense et de Sécurité (FDS).

Aux militaires qui seront mis en disponibilité pour les besoins de la cause, ''utilisez vos forces pour les consacrer à bâtir l’avenir, notre avenir. Cultivez les chemins de la droiture. Nourrissez la noblesse d’esprit et travaillez avec résolution, de façon à pouvoir rehausser la gloire inhérente de l’État '', comme l’a conseillé, notamment à ses militaires, en son temps, l’Empereur Hirohito du Japon, qui est devenu une puissance mondiale.

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