L'Union : L'Assemblée nationale de la Transition a adopté, le 11 décembre 2024 la suppression de la taxe sur les retraits bancaires et celle sur les services de mobile money qui étaient inscrites dans le projet de loi de finances. Quelle est votre réaction ?
Gildas Ndzengue Mbomba : C’est un soulagement pour nous, les clients de banques et utilisateurs du mobile money du Gabon. Ce vote par la majorité des députés de la Transition représente la majorité de l’opinion des consommateurs des services bancaires et financiers du Gabon, parce que l'opinion était contre ces taxes.
Cette victoire contre la taxe sur les retraits est celle de l'ensemble des clients des banques, qui avaient le sentiment que l'Etat leur faisait les poches, après le retrait en espèces sur leur compte bancaire de leur crédit, leur épargne ou, pour certains, leur rappel solde d'un montant égal ou supérieur à 5 millions de francs CFA. Ils constataient sur leur compte le mois d'après un retrait de 2 % du montant de leur retrait mais à partir du ler janvier 2025, cela ne sera plus qu'un vilain souvenir.
En revanche, la victoire contre la taxe sur les transactions financières électroniques est, avant tout, celle des populations qui n'ont pas accès à la banque traditionnelle, celles qui ont de faibles revenus et qui fondent leur espoir sur l'utilisation du mobile money pour être financièrement inclus afin depargner de l'argent, effectuer des transactions financières, elle est estimée à 41% en 2022, selon la dernière étude du Cabinet PHB Development.
Vous avez été auditionné par l’Assemblée nationale sur ce projet de loi. Quels sont, d’après vous, les arguments qui ont convaincu les parlementaires de le rejeter ?
- En effet, nous avons été auditionnés par les députés membres de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. L'argument qui est le plus significatif a consisté pour nous à démontrer aux parlementaires que cette taxe est contraire à la Stratégie nationale d'inclusion financière du Gabon dans laquelle la finance digitale devrait jouer un rôle primordial.
Dans ce plaidoyer, nous avons mis en évidence l'obstacle que pourrait constituer cette taxe pour la frange de la population la plus démunie et exclue du système bancaire classique. Le second argumentaire s'est basé sur la méfiance que cette nouvelle taxe pourrait créer auprès des utilisateurs de mobile money et le risque que celle-ci ait pour conséquences la création de réseaux parallèles de transfert d'argent dans l'informel, ce qui pourrait à moyen et long termes réduire le volume des transactions financières, donc engendrer une baisse de chiffre d'affaires pour les établissements de paiement et donc une baisse des recettes pour l'Etat gabonais.
Comment avez-vous mené ce combat au sein de l'Agub ?
- Nous avons mené ce combat d'une manière procédurale, avec une approche légaliste et méthodique. Dans un premier temps, au regard des multiples plaintes et complaintes que nous recevions de la part des clients des banques, nous avons décidé de combattre la taxe sur les retraits en espèces en banque qui était déjà en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Pour cela, nous avons organisé des directs sur les réseaux sociaux pour dénoncer cette taxe dont l'application, selon nous, est en violation du Règlement Cémac n° 01/2020 sur la Protection des consommateurs des produits et services bancaires et du Règlement Cobac R-2020/06 relatif au Service bancaire minimum garanti dans la Cémac.
C'est pour ces raisons, que le 3 avril 2024, nous avons saisi le Parlement pour demander la suppression de la taxe de 2 % sur les retraits en espèces en banque. Ensuite, en octobre 2025, dès que nous avons été informés du projet du gouvernement de taxer les transactions financières électroniques en 2025, nous avons rapidement alerté les utilisateurs de mobile money sur les réseaux sociaux. Les réactions ne se sont pas faites attendre.De nombreux consommateurs ont exprimé leur indignation et leur refus catégorique face à ce projet.
Ensuite, nous avons mené une campagne d'information et de sensibilisation contre cette taxe en mettant en évidence son caractère négatif sur la lutte contre la pauvreté. Dans cet élan, nous avons échangé avec les administrations compétentes, les responsables des établissements de paiement dans le but de collecter les avis des acteurs clés de l'écosystème financier. C'est seulement après ces différentes rencontres que nous avons décidé de saisir officiellement le gouvernement pour demander l'abandon pur et simple de ce projet de loi et à l'Assemblée nationale pour le rejet du projet de loi portant taxation des transactions financières électroniques en République gabonaise. L'Assemblée nationale a écouté la voix des consommateurs et a dit non au gouvernement.