Les populations du regroupement des villages Yéno, petite bourgade située à 21 km de Mimongo, chef-lieu du département de l’Ogoulou, dans la province de la Ngounié, sont vent debout contre l’exploitation sauvage de l’or par des sociétés étrangères, à l'instar de la société Makani Mining Gabon, bénéficiaire d'un permis d'exploration.
Les "Yénois" expliquent que leur localité voudrait tirer les conséquences néfastes que d’autres villages avant eux vivent, tel Ekembélé dont les forêts ont été outrancièrement saccagées par la Société minière de l’Ogoulou (SMO) sans que les habitants ne bénéficient des retombées économiques et sociales découlant de cette activité. Conséquence : ils n’ont plus de lieux où pratiquer leur orpaillage artisanal.
"La vie se construit par l’observation, car nous avons vu le sort réservé à nos voisins d’Ekembélé qui ne savent plus où donner de la tête après le départ de la SMO. Aussi, le grand cours d’eau qui baigne de part et d’autre les rives et les différents débarcadères de notre village est devenu méconnaissable et boueux avec les activités aurifères d’autres exploitants en amont de Yeno.
Nous ne pouvons plus rien faire avec cette eau polluée par les produits nocifs, le village Yéno étant dépourvu de pompes d’hydraulique villageoise", déplore Rodrigue Nzondo. Le 19 mai 2025, les auxiliaires de commandements, assistés de cadres et des membres du Collectif des jeunes élites pour la refondation de Yéno (CJERY), très actif sur le terrain, sont convoqués au cabinet du gouverneur de la Ngounié.
Ces derniers disent clairement à leur hôte que la décision d'accepter ou non l'installation de la société n'émane pas d'eux, mais plutôt des populations. Après cette rencontre, le préfet de Mimongo reçoit alors mandat du gouverneur de descendre sur le terrain le samedi 24 mai, pour échanger avec la population.
Entre-temps, s'appuyant sur les propos du président de la République lors de son dernier séjour à Mimongo à travers lesquels il exhortait les populations à exploiter elles-mêmes leurs ressources, l'association mène une opération de sensibilisation an d'encourager les habitants à prendre massivement part à la réunion.
Mais il y a que pour des raisons qui leur sont inconnues, le préfet Lambert Motondo Momomba ne se présentera pas à Yéno comme prévu. Un rendez-vous manqué qui déplaît aux Yénois. Ces derniers initient donc une marche pacique sur la principale route du village pour protester contre la non-tenue de la réunion.
Séance tenante, les représentants du CJERY prennent position contre le projet d’installation de la société. Au même moment, les Yénois effectuent des rituels interdisant à toute personne morale ou physique étrangère à la communauté d’entreprendre une quelconque exploration ou exploitation de l’or dans leur forêt, sous peine de poursuites mystiques.
À Mouila, ces manifestations villageoises font réagir le gouverneur Francis Oyinamono. Le 2 juin 2025, ce dernier convoque une réunion qu'il préside d'ailleurs lui-même. Puis à Yéno où, à la tête d'une délégation civile et militaire, il se rend le 4 juin. Rencontre tenue entre administration et villageois sur l'esplanade de l'école publique de la localité et dont le préalable sera la levée des interdictions proférées par les hommes et les femmes à travers le rite "boundou".
Par la suite, Rodrigue Nzondo, qui parle au nom des villageois, exprime à l'autorité provinciale les inquiétudes de la base de voir s'installer des sociétés détentrices de permis d’exploration et d'exploitation sans explication. "Nous déplorons leur manière de faire. Elles ont des plans d’études sur l’exploration et passent subitement à la phase d’exploitation du métal et de manière sauvage, ne respectant pas le Code minier.
Aujourd’hui, notre rivière Egodo est polluée à grande échelle. On est obligés de boire de l'eau minérale alors que nous buvions ici toutes les eaux sans crainte. Avec notre petit orpaillage artisanal, les eaux n'étaient pas polluées. On ne peut pas réussir à interdire à nos enfants de s'y baigner.
On est simplement obligés d'assumer les maladies découlant de cette pollution", souligne-t-il. Et M. Nzondo de renchérir : "Nous ne faisons pas un bras de fer à l'État. Que pouvons-nous faire s'il a décidé d'octroyer un permis à une société ? Si l'État pense à nous fournir un petit médicament avec l'argent issu de cette exploitation, nous lui dirons merci.
Mais nous refusons d'écouter l'opérateur économique", termine le porte-parole des villageois, sous les applaudissements nourris de ces derniers. Tout en réarmant l’importance d’une approche équilibrée entre le développement économique et le respect des communautés, le gouverneur Oyinamono, visiblement désemparé, conclut la réunion : "Je retiens que vous vous opposez à la présence de l'État à Yéno dans le cadre de la politique minière, parce que c'est l'État qui choisit la société à implanter ici, et non les populations.
L'état a choisi une société, et vous dites non. Cela veut dire que vous ne voulez pas voir l'État ici, que vous allez continuer à faire votre orpaillage avec les clandestins étrangers que vous tolérez et qui sont là avec vous. Et ce sont eux qui ont droit de cité sur la richesse du Gabon. J'en prends acte et certainement je rendrai compte à qui de droit". A ce qu'il paraît, rien n'est donc réglé à Yéno où les populations et les opérateurs de la société Makani Mining se regardent en chiens de faïence.
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