Depuis quelques jours, la décision du délégué spécial de la commune de Libreville, Adrien Nguema Mba, d’interdire les cafés ambulants, de fermer les briqueteries, les stations de lavage automobile et les cafétérias installées le long du boulevard tTriomphal Omar-Bongo suscite une vague de réactions contrastées. Entre approbation discrète et indignation croissante, cette mesure, présentée comme un levier pour " rétablir l’ordre public, fluidifier la circulation et embellir la ville ", soulève de sérieuses interrogations, tant sur le fond que sur la méthode.
D’aucuns dénoncent l’absence totale de concertation avec les acteurs concernés. Propriétaires de cafétérias, clients réguliers, riverains… tous affirment avoir été pris de court, sans aucun préavis, ni proposition de relogement ou de reconversion. Or, ces petites structures, souvent installées de manière informelle, ne sont pas de simples points de vente : elles sont des lieux de convivialité, des repères sociaux et, surtout, pour de nombreuses familles, une source indispensable de revenus.
Dans ce contexte, une question persiste : comment les nombreux travailleurs de cette zone à forte concentration d'administrations publiques et privées vont-ils désormais se restaurer ? Ces petits restaurants de rue jouant un rôle clé, en proposant des repas accessibles à des populations souvent modestes, pour qui les pauses déjeuner rimaient avec proximité et économies.
Dans une ville où le chômage demeure massif, l’économie informelle constitue pour beaucoup un filet de survie. Les cafétérias du boulevard faisaient vivre un écosystème dynamique : cuisiniers, livreurs, nettoyeurs… Une chaîne de métiers précaires mais essentiels, aujourd’hui brutalement rompue. Faute de mesures d’accompagnement ou de plan de transition, cette décision pourrait bien accentuer la précarité qu’elle prétend combattre.
Pour le cas des cafés ambulants par exemple de plus en plus de jeunes Gabonais s'y mettent à travers des structures qui les recrutent. Si la volonté d’assainir et de moderniser l’espace urbain est compréhensible, sa mise en œuvre, autoritaire et précipitée, laisse un goût amer de politique de façade. Embellir Libreville, oui, mais pour qui ? À quoi bon des trottoirs dégagés si la vie populaire qui les animait est évacuée ?
Il ne s’agit pas ici de nier les problèmes : occupation anarchique de l’espace public, insalubrité, gêne pour la circulation… Mais fallait-il tout supprimer, plutôt que réguler ? Des solutions existent : délimitation des espaces, respect des normes sanitaires, horaires encadrés, délivrance de permis temporaires. En l’état, cette opération révèle un désalignement entre l’ambition politique et la réalité quotidienne des citoyens.
Gouverner, ce n’est pas imposer, c’est écouter, comprendre, accompagner si nécessaire. Si la mairie de Libreville veut bâtir une capitale moderne, attractive et inclusive, elle ne peut ignorer ceux qui y vivent. Conjuguer urbanisme et humanisme : voilà le véritable défi d'une ville où trouver ne fûtce que des toilettes publiques (payantes) relève du miracle.
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