L'Union. Vous êtes candidat à l'élection présidentielle. Quel projet présentez-vous aux électeurs ?
Joseph Lapensée Essingone : Mon projet, c'est d'abord la volonté politique, parce qu'elle a toujours fait défaut. La première chose à laquelle je vais m'atteler c'est de mettre un terme à la pratique qui voudrait que chez nous, le mouton broute là où il est attaché.
Les agents publics qui oseront s'éloigner des principes d'orthodoxie financière pour aller, par la suite, sur tous les toits, glorifier le président de la République, me trouveront sur leur chemin. Moi, président, tout ceci va disparaître. Je n'ai pas besoin de gens qui vont chanter mes louanges. J'ai besoin de gens qui travaillent. Nous devons remettre le travail au centre de tout.
Vous sacralisez le travail, comment entendez-vous lutter contre le chômage ?
- À mes yeux, le chômage est entretenu. Donc, il n'y a réellement pas de chômage. La fameuse mesure prise pour geler les effectifs de la Fonction publique, je vais la supprimer parce qu'elle ne se justifie pas.
Comment parler de chômage alors que des diplômés en anglais, par exemple, sont sans emplois pendant que des établissements secondaires publics manquent d'enseignants dans cette matière. C'est incompréhensible et inadmissible !
Avec moi, toutes ces incongruités vont disparaître. C'est vous dire que cette situation résulte de nombreux dysfonctionnements. En rendant la décentralisation effective, les mairies et départements pourraient recruter des diplômés en droit, urbanisme, paysagisme, etc.
… et donc ?
- Je vais m'attaquer radicalement à cela. Car on voudrait que les enfants de certains soient des mendiants pour qu'ils servent le régime, pour qu'ils soient affiliés à des hommes politiques, pour qu'ils soulèvent leurs sacs et soient à leur botte.
L'administration publique, à elle seule, ne peut embaucher tous les demandeurs d’emploi. Que préconisez-vous ?
- Je vais créer une société nationale d'agriculture et d’élevage parce que ce n'est pas le ministère qui va nous donner une suite concrète. Il y aura le ministère, mais le ministère, lui, il est là pour définir les politiques publiques. Mais il faut aller plus loin que ça. Ce n'est pas le ministère qui va cultiver la banane.
Si nous voulons lutter contre la faim, puisque c'est un des objectifs du développement durable, développer l'agriculture, il faut bien que quelqu'un aille planter. Or, nous aujourd'hui, on n'a personne qui plante. On ne va pas aller acheter les vaches et puis on ne sait pas comment on va les élever.
Nous devons revenir aux fondamentaux en mettant en place des mécanismes incitatifs, de manière que les gens partent faire l'agriculture…
… Que dites-vous de l'entrepreneuriat qu'on conseille à la jeunesse ?
- Nous allons encourager la création des entreprises privées, nous allons encourager l'auto-emploi. Mais pour cela, il faut agir sur le système bancaire, parce que pour investir, il faut bien trouver de l'argent quelque part. Nos banques ne prêtent pas, elles ne donnent de l'argent qu'aux politiciens. Avec moi, ça va changer. Ma détermination est ferme et réelle.
Allez-vous travailler avec les membres du Parti démocratique gabonais (PDG) ?
- Écoutez, je ne me débarrasserai pas des militants du PDG. Il faut qu'ils apprennent à être Gabonais autrement, comme disait feu Casimir Oye Mba. Moi, je suis le candidat de la rupture et du rassemblement. Rupture avec les habitudes du PDG, mais je ne divise pas les Gabonais, je les rassemble, je montre une nouvelle voie. Un nouveau Gabon est possible avec les mêmes Gabonais.
En matière de gouvernance, quelle réforme concrète comptez-vous mettre en place pour restaurer la confiance dans les institutions ?
- C'est simple, que tout le monde respecte les règles établies. Notre pays souffre du manque de soumission aux normes à tous les niveaux. Or, c'est la loi qui régit notre société. Si nous ne nous conformons pas aux règles, eh bien, tout est permis. C'est la voie ouverte à toute forme de dérives et d'abus.
Le niveau élevé de la dette ne vous effraie pas ?
- La dette est une ressource. Autrement dit, il y a de bonnes et mauvaises dettes. Chez nous, elle n'a servi à rien. si ce n'est qu’enrichir certains. Si bien que notre capacité d'endettement a considérablement diminué…
… Que faire ?
- Il faut créer plus de ressources internes et rendre plus efficace l'administration fiscale. Nous devons être plus productifs, inventifs, créatifs et rigoureux.
L'élargissement de l'assiette de l'impôt est votre unique solution pour résorber les problèmes auxquels le Gabon est confronté ?
- Bien évidemment, non. Ma stratégie repose avant tout sur la volonté politique, une volonté ferme et inébranlable au service de la communauté nationale, et non d'un clan. À côté de cela, nous mettrons en place des dispositifs qui permettront aux Gabonais de libérer leur énergie créatrice. La justice ne sera plus aux ordres.
Comment comptez-vous restaurer la confiance avec les bailleurs de fonds ?
- Par le dialogue et la transparence. Nous allons engager des discussions franches avec nos partenaires pour trouver des solutions concertées et restaurer la confiance.
J'ai participé à de nombreuses réunions avec les bailleurs de fonds, je connais les rouages du système et je sais ce qu'il faut faire. Je ne suis pas un candidat improvisé. J'ai l'expérience et la détermination nécessaires pour mener à bien ces réformes et construire un Gabon meilleur pour tous.
Dans cette perspective, avez-vous l'intention de conjuguer avec les équipes sortantes ?
- Non. je pense qu'une fois la Transition terminée, les militaires qui l'ont gérée doivent retrouver leur mission principale qui est celle d'être formés et de travailler pour nous défendre en cas d'agression étrangère. Qu'ils retrouvent leurs casernes ou pas, leur mission première n'est pas de gérer l'État.
Bien sûr, une fois que je serai président de la République, ma mission sera de m'occuper de tous les Gabonais, sans exception. Il n'y aura pas de Gabonais stigmatisés.
En matière d'éducation et de santé, à quoi devrait-on s'attendre ?
- Si je mets en place un ministère de l'Éducation, ce n'est pas pour décorer. Il y a eu des états généraux de l'éducation nationale, de la santé, de l'agriculture, et que sais-je encore. Il y a eu des recommandations qui n'ont pas été mises en œuvre. Si on les avait respectées, on n'en serait pas là aujourd'hui. Il ne faut pas croire que je vais forcément venir inventer la roue. Mon apport principal, au risque de me répéter, c'est d'abord la volonté politique. Parce qu'ici, on s'est limité aux discours mielleux en promettant monts et merveilles. On fait du surplace.
Vous allez être pragmatique ?
- Oui, Il faut agir là où les besoins sont les plus urgents, notamment sur le plan social. La première chose, au niveau de la santé, avant de mettre en place tout ce qu'ils ont prévu pour améliorer, la première chose, plus personne ne va payer l'hôpital public. Les consultations à 7 500 francs CFA, vous ne trouvez pas que c'est trop pour les gens qui meurent de faim ? Vous avez un enfant malade à 5 heures du matin, vous l'amenez à l'hôpital et on va vous bloquer pour 7 500 francs CFA.
Je dis, personne ne va payer 100 francs. Aucun radis pour l'hôpital. Quand j'étais enfant, non seulement on ne payait rien, mais on repartait avec les médicaments de l'hôpital. Ce ne sont pas des choses que j'ai inventées. Non, nous avons tous vécu comme ça.
Un dernier message aux électeurs ?
- Je vais dire aux Gabonais que je sais qu'ils ont souffert pendant longtemps. Je sais qu'ils ne croient plus aux hommes politiques. Le 12 avril prochain, l'occasion d'écrire une nouvelle page de l'histoire de notre pays leur sera donnée. Pour leur permettre de faire un choix neuf, choisir une personne neuve, qui n'a rien à voir, qui n'a pas les habitudes de l'ancien système.
Il ne faut pas que le peuple gabonais se comporte comme le peuple d'Israël qui a souffert longtemps, qui attendait le Messie et quand le Messie est arrivé et leur a dit je suis là, ils étaient les premiers à prendre encore les cailloux pour les jeter au Messie.
Qu'il ne se trompe pas cette fois, en choisissant encore ceux-là qui l'ont torturé hier parce qu'ils se transforment en sauveurs aujourd'hui. Donc tous les chrétiens qui iront voter le 12 avril, ne doivent pas revenir des urnes avec un péché en plus.
Entretien réalisé par : Rudy HOMBENET ANVINGUI
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