En décidant d’interdire aux étrangers d'exercer de nombreux "petits métiers" qui participent au tissu économique national, le Gabon affiche une ambition claire : celle de reprendre la main sur des recettes informelles. Conscient de la nécessité de réaffirmer la souveraineté économique du pays, le Conseil des ministres a décidé de revoir sa copie.
En effet, "dans le prolongement des actions engagées pour renforcer la souveraineté économique et promouvoir l’entrepreneuriat national, notamment celui des jeunes, le Conseil a décidé de réviser la réglementation sur les métiers réservés aux nationaux afin d’en garantir l’exercice exclusif par les Gabonais, y compris dans les secteurs émergents tels que le commerce numérique et l’entrepreneuriat moderne. Des rapports réguliers seront exigés pour en assurer l’application effective", indique le communiqué final.
Cette mesure n’est pas nouvelle. En effet, ce n'est pas la première fois que le gouvernement évoque la préférence nationale. Lors du Conseil des ministres du 25 juin 2024, un projet de décret avait été approuvé et fixait des quotas stricts pour l’emploi de la maind’oeuvre étrangère dans les entreprises opérant au Gabon. Cette fois, cette mesure, prise dans un contexte particulier, va serrer un peu plus la vis. De plus, pour ne pas reproduire les errements du passé, le pays pourra s’appuyer sur d'autres Nations qui ont tenté l'expérience avant lui.
PLACE DE CHOIX
C’est le cas notamment du Rwanda, qui a misé sur la préférence nationale en promouvant le "Made in Rwanda". Ce pays donne une place de choix aux opérateurs économiques nationaux et aux produits locaux à travers diverses initiatives, y compris des campagnes de sensibilisation et des surtaxes sur certains biens importés.
D'autres pays du globe ont agi de la même manière. Comme Oman et l'Arabie saoudite. Ces deux États, fiers de leurs ressources, réservent une place de choix aux locaux dans l’octroi des marchés publics et dans l’autorisation d’exercer des activités économiques "mineures" sur leur sol.
Au Gabon, avec un taux de chômage chez les jeunes estimé à plus de 30 %, et dans le but d'inverser la courbe, "le Conseil interdit désormais à ces derniers (les étrangers) l’exercice de certaines activités de petite envergure. Il s’agit du commerce de proximité, envoi d’argent non agréé, réparation de téléphones et petits appareils, coiffure et soins esthétiques de rue, orpaillage artisanal non autorisé, intermédiation informelle dans l’achat de récoltes, exploitation de petits ateliers ou machines de jeux sans enregistrement". L’idée étant de permettre aux jeunes Gabonais d’avoir une place de choix dans des métiers rentables mais négligés par bon nombre.
EQUILIBRE
Si une certaine dose de protectionnisme et de préférence nationale peut être bénéfique pour les jeunes opérateurs gabonais, il est important de trouver un équilibre entre la protection de l'économie nationale et l'ouverture au commerce international, afin de favoriser une croissance économique durable et inclusive.
En décidant de verrouiller de nombreuses activités au profit des Gabonais (commerce de proximité, envois d’argent non agréés, etc), le gouvernement sait bien qu'il doit élaborer la plus juste stratégie. Ce dernier a annoncé que des procédures simplifiées, un appui technique et fiscal ainsi que des dispositifs de financement adaptés seront mis à la disposition des Gabonais.
Le problème est que l'application de toutes ces mesures implique plusieurs services ministériels (jaloux de leurs prérogatives) avec le risque de gripper rapidement la machine. Face à cela, la création d'un guichet unique pourrait bien aider. Pour qu'il puisse correctement fonctionner, il faudra qu'il soit 100% digitalisé pour éviter la corruption et les détournements, l’accompagner de réformes (formation professionnelle, lutte contre l’informel), commencer par des secteurs tests avant une généralisation, etc. Le financement des nouveaux entrepreneurs peut se faire par le biais du FGIS ou de micro-crédits accordés, par exemple, par la BCEG.
ARSENAL
En somme, il y a tout un arsenal à mettre en place pour réussir cette initiative. Cela va du texte juridique précis (décret, ordonnance, politique nationale) et passant par des KPI trimestriels (key performance indicator, soit des indicateurs clé de performance qui sont des unités de mesure qui servent à évaluer la performance d'une organisation, d'une fonction ou d'une personne au regard de ses objectifs) publiés sur le portail gouvernemental, fonds fiduciaires dédiés à la formation ou au micro-crédit ou encore les pénalités ou exonérations fiscales pour inciter à l’embauche nationale.
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