Gare Setrag de Franceville. Mardi 19 novembre 2024. C'est avec une petite dizaine de minutes de retard que le train omnibus s'ébranle en direction d'Owendo. Il quitte le quai pour un départ annoncé pour 20 h 00. Avant d'atteindre Libreville le lendemain, le "Moutouki", selon une dénomination populaire attribuée à ce train, doit transiter par les gares de Moanda, Lastoursville, Booué, Lopé, Ndjolé, Ntoum, etc., après avoir traversé l'immense forêt du bassin du Congo.
À peine le serpent métallique a-t-il sifflé qu'un sentiment de grande satisfaction se dégage chez les voyageurs qui s'impatientaient déjà. Certains wagons sont pleins comme un œuf. D'autres non. Certains, à l'instar de la voiture V0 (2e classe), ne sont pas climatisés. "Tant mieux, le plus important pour moi c'est de quitter Masuku aujourd'hui pour retrouver ma famille et mon travail", piaffe Simon, qui vient de passer deux semaines dans le Haut-Ogooué. Pour échapper à la chaleur qui règne à l'intérieur de ces "fourneaux", des passagers décident d'ouvrir les fenêtres afin de laisser y circuler l'air. "Ouf !", lance un gamin assis à côté de sa mère, après s'être débarrassé de son pullover.
Le train avance. Les voyageurs échangent les uns avec les autres. Mais le bruit assourdissant des wagons et de la locomotive sur les rails les contraint chaque fois à parler à haute voix pour se faire entendre par leurs interlocuteurs. Quelques-uns d'ailleurs, pour agrémenter leur voyage et le trouver moins long, ont pensé à se procurer des boîtes "Ya Mado". C'est-à-dire de la bière Régab en canette, qu'ils sifflent de temps en temps en discutant. Conséquence : les toilettes, dépourvues de papier hygiénique et où l'eau inonde le plancher, sont chaque fois prises d'assaut, constituant ainsi des nids à microbes pour les usagers.
"Comment comprendre qu'il existe un personnel de nettoyage à bord, et que le train soit sale ?", se demande une femme. Les consommateurs de Ya Mado et autres boissons alcoolisées tiennent des débats parfois houleux, et dont l'essentiel tourne, actualité oblige, autour de la dernière campagne référendaire. "Ces voyageurs, dans leur majorité, repartent sur Libreville après avoir accompli leur devoir civique relatif au vote du projet de nouvelle Constitution. J'en fais partie", avoue François à L'Union. Le train Moutouki s'arrête dans chacune des 21 gares du trajet. Une ambiance de fête règne à chaque arrêt.
Notamment dans les principales gares (Moanda, Lastoursville, Ivindo, Booué, Lopé et Ndjolé) où le temps d'arrêt est plus long. Et au fur et à mesure que les voyageurs montent dans le train, les places font défaut sur les porte-bagages. Obligeant ainsi certains à placer sacs et sachets de nourriture sous leurs sièges. Entre-temps, les va-et-vient incessants des personnes qui cherchent leurs connaissances à bord du train ou qui se rendent au restaurant ne permettent pas à d'autres de trouver facilement le sommeil. Ceux qui sont fatigués s'affalent sur des fauteuils dépourvus de confort. Ici et là, des ronflements de quelques gros dormeurs indisposent les autres qui ne trouvent pas le sommeil.
Que peuvent-ils y faire d'autre si ce n'est bouder en silence ? Mais plus le temps passe, plus nombreux sont les voyageurs qui finissent par plonger dans un sommeil profond, y compris les boudeurs mentionnés supra. Pendant ce temps, dans certaines parties sombres du train, l'on assiste à la naissance de nouveaux couples. Scènes qui durent ainsi jusqu'au petit matin, avant l'arrivée à la gare de Ndjolé. C'est à ce moment que beaucoup ouvrent les yeux pour voir défiler le paysage luxuriant qui s'offre à eux à partir des fenêtres.
Le reste du voyage s'effectue le long d'un relief de moins en moins confortable. Les conducteurs décélèrent alors le rythme de progression du train.Et il en sera ainsi jusqu'à la gare d'Owendo-Virié, qu'il atteint le lendemain aux environs de 14 h 35. Soit près de 19 heures de voyage au départ de Franceville !
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