L’Union : L’Agasa fait parler beaucoup d’elle en ce moment : éclat éphémère, concours de circonstances, opportunisme ou action pensée ?
Jean Delors Biyoghe Bi Ntougou : Au moment de notre entrée en fonction, nous avons défini une vision. Cette vision, telle que nous l’avons consignée dans notre document d’orientation stratégique est la suivante : " D’ici 2025, l’Agasa est un acteur majeur de la santé publique au Gabon, un levier essentiel de la mise en œuvre des politiques publiques en matière agricole et nutritionnelle, et contribue efficacement à la lutte contre l’insécurité alimentaire dans les espaces Cémac et CEEAC ". Et nous avons choisi pour indicateurs d’excellence de cette vision, l’obtention d’une situation de trois zéros : zéro pénétration, zéro circulation et zéro consommation des produits alimentaires impropres à la consommation au Gabon. Notre travail sur le terrain est donc loin de relever des catégories que vous citez. Il y a, par contre, risque d’éclat éphémère, puisque la continuité de l’action de l’Agence dépend des moyens dont elle dispose.
Comment la vision que vous exposez devrait-elle se traduire au quotidien dans l’action de l’Agasa ?
L’action quotidienne de l’Agasa, dans le cadre de l’opérationnalisation de cette vision, s’articule autour des quatre orientations stratégiques que nous avons fixées, à savoir, bâtir un système de sécurité alimentaire sûr, résilient et intégré. Dans cette perspective, nous avons voulu mettre l’accent sur le renforcement de notre système de surveillance, de veille et de contrôle sanitaire et alimentaire, à travers l’intensification des contrôles et des inspections, l’accélération du processus de mise aux normes de sécurité alimentaire, de tous les établissements, moyens de production, de conservation, de commercialisation, de consommation et de transport des produits alimentaires, la mise en place d’un dispositif de contrôle et d’inspection de la qualité des produits alimentaires inclusif et participatif à partir de notre numéro vert, le 1411, pour que le consommateur participe à la lutte contre l’insécurité alimentaire, et pour que l’opérateur aussi nous signale les éventuels abus des agents de l’Agasa. La quatrième orientation stratégique porte, elle, sur l’appui de l’Agasa à la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’autosuffisance alimentaire.
Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Pas comme nous l’aurions souhaité. L’Agasa ne dispose que de 200 agents, on y compte une vingtaine dans les fonctions supports. Avec un tel effectif, nous devons couvrir tout le Gabon, c’est infime. Nous tournons annuellement avec à peine, en prévision, près de 100 000 000 FCFA en investissement, ce qui est déjà extrêmement limite et nous n’avons jamais réussi à obtenir ce montant. Nous avons moins de 7 véhicules de liaison sur toute l’étendue du territoire. Ces difficultés nous ont obligés à mettre en place un mécanisme de surveillance participatif, à travers notre numéro vert, pour mettre l’accent sur les interventions ciblées à partir des alertes des consommateurs.
Quelles seraient vos priorités d’investissement si les hautes autorités du pays venaient à vous proposer un appui financier plus important ?
Nous en avons quatre. La première, c’est le renforcement des ressources humaines ayant les compétences en adéquation avec nos missions. Les trois autres seraient la finalisation et l’opérationnalisation du quai de transbordement que nous sommes en train de construire à Eboro, à la frontière entre le Cameroun et le Gabon, nous voulons développer le même dispositif à Doussala à la frontière Gabon-Congo pour le filtrage des produits à leur entrée sur le territoire national, le renforcement des capacités de notre laboratoire d’analyse et, enfin, l’introduction des kits de tests rapides.
Actuellement, quels sont les outils utilisés par l’Agence dans l’accomplissement de ses missions ?
Nos agents combinent les deux approches, l’approche humaine, qui repose sur le contrôle visuel des produits alimentaires, la vérification de la régularité des dates de péremption des produits distribués sur le marché et les conditions de conservation, pour ne citer que ces outils. Sur le plan mécanique, nous utilisons les kits et pratiquons les tests de confirmation dans notre laboratoire d’analyse.
Justement, comment se sont déroulées les prises chez Foberd Gabon ?
Beaucoup mieux que dans d’autres cas de cette importance, parce que les contrôles et les inspections dans lesquels l’opérateur économique risque gros se caractérisent souvent par des refus catégoriques de laisser entrer les agents de l’Agasa. Parfois, ils font l’objet d'actes de violence. Pour Foberd Gabon, nous avons choisi de nous faire accompagner par des services spéciaux, leur présence a été dé- terminante dans la réussite de cette opération. Ce n’est pas la première fois que Foberd est mis en cause, il faut que son cas soit convenablement réglé, ce qui ne relève pas de notre compétence. Il y a réellement cas flagrant de mise en danger du consommateur.
Votre mot de la fin ?
L’Agasa n’a pas été créée pour nous amener au paradis de la quiétude alimentaire, mais pour nous éviter l’enfer de l’insécurité alimentaire. Elle a besoin de chacun pour l’épauler dans ses missions. Devenez les acteurs de votre propre sécurité alimentaire en portant à notre connaissance des informations relatives aux risques et menaces à la sécurité alimentaire auxquels vous êtes confrontés.