Aller au contenu principal
Politique

Présidentielle : Jean-Rémy Yama : "C'est une campagne électorale terne, morne, sans relief "

Jean-Rémy Yama, interviewé par Rudy HOMBENET ANVINGUI

Jean-Rémy Yama, interviewé par Rudy HOMBENET ANVINGUI © DR

L’Union. Quel est votre sentiment sur le déroulement de cette campagne électorale ?

Jean-Rémy Yama : Elle est très en dessous de mes attentes.

Pourquoi le pensez-vous ?

- Après une Transition censée marquer une rupture, je m’attendais à une campagne vivante, intense, avec un réel engouement. Or ce que l’on voit aujourd’hui, c’est une campagne terne, morne, sans relief. Cela s’explique en partie par mon absence de la course. Certains ont dit que c’était un match amical. Je confirme.

Et si vous aviez été candidat, quelle stratégie auriez-vous déployé ?

- La stratégie de quelqu’un qui veut gagner. Qui allait gagner, même. Je suis catégorique.

Concrètement, que reprochez-vous aux candidats en lice ?

- Le candidat de la Transition, par exemple, fait le strict minimum. Pourquoi ? Parce qu’il sait qu’il n’est pas face à une vraie concurrence. La vraie concurrence, ça aurait été moi.

Certains observateurs justifient la tiédeur de cette campagne par la forte présence des membres du Parti démocratique gabonais (PDG). Partagez-vous cette analyse ?

- Évidemment. Il ne faut pas se mentir. Le président de la Transition est entouré de PDGistes. Encore heureux qu'il ne soit pas assiégé. Il a choisi cette configuration. On parle d’inclusion, mais c’est de l’exclusion déguisée…

… mais sept des huit candidats sont indépendants ?

- Candidats indépendants ? Regardez bien. Ce sont tous des PDGistes à des degrés différents. Même le coordinateur général de la campagne du président de la Transition est un PDGiste. Alain-Claude Bilie-By-Nze ? À ma connaissance, il n’a quitté que le directoire. Je ne sais pas s’il a formellement démissionné du PDG. Alain-Simplice Boungoueres et le Dr Stéphane Germain Iloko Boussengui ont été membres de cette formation politique. Ils n'ont pas pour autant perdu leur ADN de PDGiste.

La tiédeur de la campagne ne s'expliquerait-elle pas par la faiblesse des moyens financiers des candidats ?

- Non. Le plafond des dépenses est de 10 milliards. En deux semaines, ça fait 741 millions par jour. Mais qui peut vraiment mobiliser ce genre de somme ? Celui qui a déjà les moyens. Celui qui peut affréter des hélicos, faire le tour du pays. Les autres sont là pour faire de la figuration.

Qu’aurait apporté votre présence dans cette campagne ? Et pourquoi pensez-vous que vous auriez pu gagner ?

- Moi, je connais les Gabonais. J’ai passé 30 ans à me battre pour eux. Je me suis battu pour les enseignants, les travailleurs. Je ne me contente plus de dénoncer. Je veux être dans le camp des solutions. Je connais les souffrances des Gabonais. Aucun autre candidat ne peut en dire autant.

Auriez-vous eu les moyens de battre campagne dans tout le pays ?

- Ce que je fais, c’est un acte de foi. Quand Dieu vous envoie en mission, Il vous équipe. Mais s’Il ne m’a pas permis d’aller jusqu’au bout, c’est peut-être pour éviter le pire. Car si j’avais été candidat, j’aurais gagné. Et certains n’auraient pas accepté. Ils auraient utilisé la force. Et ce sont les Gabonais qui en auraient payé le prix.

À vous entendre, cette élection n'aurait aucun intérêt ?

- Oui. Car on sait déjà qui va gagner. C’est l’acteur principal du film. La seule inconnue, c’est le taux d’abstention. Et croyez-moi, il sera élevé. Les Gabonais se rendent compte qu’ils ont été trompés, roulés dans la farine. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) nous avait donné de l’espoir… Mais cette campagne montre qu’on est retournés aux vieilles méthodes.

Contrairement à certains de vos camarades, vous n’appelez pas au boycott du scrutin. Pourquoi ?

- Écoutez, nous avions formé une alliance autour de ma candidature à la présidentielle. Mais une fois celle-ci rejetée – décision politique de la Cour constitutionnelle – cette alliance n’avait plus de raison d’être. Le rejet de ma candidature prouve à suffisance que nos institutions n’ont pas été restaurées, malgré le Dialogue national inclusif (DNI) tenu à Angondjé de mars à avril 2024. Lequel, du reste, n’a accouché d’aucune décision forte.

Mais le DNI a formulé plusieurs recommandations ?

- Effectivement. Prenez ce qui avait été dit sur le PDG, par exemple : rien n’a été appliqué. Cela prouve bien les liens existant entre certains acteurs de la Transition et le PDG.

Vous avez parlé de la Cour constitutionnelle ?

- Oui, cette Cour constitutionnelle a causé énormément de tort aux Gabonais. A-t-elle été restaurée ? Pas du tout. La mascarade autour de nos recours, le démontre suffisamment. Plus récemment encore, il y a deux semaines, une compatriote a saisi la Cour pour demander l’inéligibilité de tous les candidats, aucun ne respectant les dispositions relatives au casier judiciaire… Et la Cour est restée muette. Le délai de huit jours est passé, sans réponse.

Donc, selon vous, les institutions n’ont pas été restaurées ?

- Non, malheureusement. Et dans ce contexte, certains parlent de boycott, d’autres d’abstention… Pour moi, c’est la même chose : ne pas y aller. Le bon sens voudrait que tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce processus restent chez eux.

Et ils sont nombreux, selon vous ?

- Oui, ils sont nombreux. Beaucoup ont été déçus par le rejet de ma candidature. Et s’abstenir, je le répète, n’est pas une infraction. Le vote n’est pas obligatoire. Samedi prochain, moi, je vaquerai librement à mes occupations. Je ne voterai pas. Et je sais que d’autres, comme ceux de mon parti, feront de même.

En réalité, vous appelez les Gabonais à ne pas aller voter ?

- C’est une question de perspective. Moi, je n’impose rien. Chacun est libre. Mais ma posture est claire : je n’irai pas voter. Et j’assume. Et si d’autres en font autant, c’est leur droit.

On a l’impression que vous avez du mal à accepter l’invalidation de votre candidature ?

- Pas du tout ! Je suis chrétien. Baptisé, confirmé, né de nouveau. Je crois que tout arrive selon la volonté de Dieu, même si parfois l’erreur vient des hommes. Donc non, je n’ai pas de rancœur. Mais ce que je dis, c’est que ce processus est une mascarade, et s’abstenir est une réponse logique.

Vous pensez que cette abstention pourrait être significative comme lors du référendum ?

- Si à un référendum, il y a eu autant d’abstention, imaginez une présidentielle où certains ont été exclus dès le départ. C’est le seul moyen d’expression qui reste à beaucoup : ne pas voter.

Et après cette élection, seriez-vous prêt à collaborer avec les nouvelles autorités pour la construction nationale ?

- En politique, on dit qu’il ne faut jamais dire "jamais". Mais moi, je ne me laisse pas modeler par la politique : ce sont mes convictions qui guident mes actes. Alors, tout dépend. Si c’est pour détruire les digues afin que l’eau coule pour tous les Gabonais, oui, je participerai. Mais si c’est pour reproduire les mêmes erreurs, non.

Pourtant, vous avez été nommé par le président de la Transition ?

- Nommé ? Vous connaissez les conditions ? J’étais en prison, j’ai été élu député en prison. Et on voulait composer un Parlement sans moi ? Ils ont corrigé le tir. Je ne suis même pas gracié, je suis en liberté provisoire. Comme en 2016. Tout est provisoire chez moi… Tout est à refaire.

En guise de conclusion, pouvez-vous nous dire si, pour les prochaines législatives et locales, le Parti national du travail et du progrès (PNTP) sera présent ?

- Oui. Le PNTP sera toujours présent à chaque rendez-vous politique. L’exercice du pouvoir impose l’impartialité. Et nous serons là, toujours prêts à jouer notre rôle.

 

Entretien réalisé par : Rudy HOMBENET ANVINGUI

random pub

Publicom - 1ere régie publicitaire au Gabon
Petites Annonces L’Union
Petites Annonces L'Union
Logo