L'Union. Pouvez-vous vous présenter aux Gabonais qui, dans leur majorité, ne vous connaissent pas ?
Dr Stéphane Germain Iloko : Je ne veux pas me présenter en disant simplement que je suis le Dr Stéphane Germain Iloko, médecin, homme d'affaires, juge coutumier. Ce n'est pas ce qui importe. Je suis le candidat des gens qui ont été opprimés pendant 56 ans, des gens qui ont vécu l'exclusion, la ségrégation et la frustration.
Vous ne pouvez pas voir un cuisinier, fut-il fils d'un chef d'État, être le coordonnateur général des affaires présidentielles. C'est grave dans un pays sérieux ! Vous ne pouvez pas voir un moniteur, un chauffeur, un livreur de pain, Cyriaque Mvourandjiami, pour ne pas le citer, devenir directeur de cabinet politique du président de la République. Je veux être celui qui redonne de la valeur au mérite.
Votre candidature serait-elle motivée par la frustration ?
- Lorsque vous dites que c'est une candidature d'un homme frustré, je ne veux pas que vous m'insultiez. Je suis peut-être frustré, mais je suis surtout révolté. Ce pays mérite mieux !
À ce propos, j'aime à citer la gestion des déchets biomédicaux au Gabon. Laquelle me paraît scandaleuse. J'ai monté un projet, trouvé des financements, mais comme je n'appartenais pas au cercle restreint du pouvoir, mon projet n'a pas prospéré.
Comme moi, beaucoup d'autres compatriotes ont souffert de cette situation. Il est temps d'y mettre fin en libérant les énergies et les talents. Je m'y attellerai à la tête de l'État.
Un coup d'oeil dans le rétroviseur. Sans le "coup de Libération, du 30 août 2023, auriez-vous eu le courage de démissionner du Parti démocratique gabonais (PDG) ?
- Écoutez, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) nous a libérés. J'étais en prison. J'étais un militant discipliné. Je ne pouvais pas, d'un coup de tête, défier l'autorité du PDG. D'autant plus qu'il était dirigé par des gens, comment dirais-je, des conservateurs. Des gens jaloux de leurs privilèges.
Ils vous disaient "la discipline est l'apanage du bon militant". Vous vous taisiez. C'est le Distingué camarade président qui l'a dit. Vous vous taisiez, sur fond de trafic d'influence. Il n'y avait pas de démocratie dans notre parti. C'est pourquoi j'ai dénoncé l'illégalité du Comité provisoire mis sur pied après le 30 août 2023.
Que voulez-vous dire exactement ?
- Je l'ai dit à haute et intelligible voix. J'ai dit que Paul Biyoghe Mba, notre ancien, notre grand, notre sage, n'avait pas à induire tout le monde en erreur. Il a créé, avec ses amis, un Comité provisoire qui n'avait pas lieu d'être, car non prévu par les statuts.
De même, les textes du PDG n'instituent pas de poste de vice-président. Je me suis donc engagé afin qu'on respecte les statuts et règlement intérieur du PDG. Quand j'ai compris que j'avais en face de moi des irréductibles, j'ai pris la décision qui s'imposait : démissionner.
Alors, pourquoi avoir claqué la porte de la plateforme "Ensemble pour le Gabon" ?
- Vous savez, l'on voudrait me faire passer pour quelqu'un d'irresponsable, je ne le suis pas. J'ai quitté la barque parce que nous avions besoin d'un candidat à l'élection présidentielle. Alain-Claude Bilie-By-Nze et moi étions les deux patrons de cette plateforme. J'ai accepté qu'il soit le leader. Si je suis parti, c'est tout simplement parce que je n'avais plus ma place là.
Que répondez-vous à tous ceux qui estiment que votre candidature est fantaisiste ?
- Je préfère ne pas répondre aux gens. Je vous parle d'un projet de société. Je vous dis que je suis un bulldozer. Tout en étant modeste, je vous dirais qu'Ensemble pour le Gabon, sans moi, c'est une coquille vide. Je le dis en toute humilité, j'ai une expérience politique que n'a pas cette plateforme. Alain-Claude Bilie-By-Nze, à lui tout seul, ne peut pas la faire vivre…
… Vous dites qu'il a été Premier ministre et qu'il a un background que beaucoup n'ont pas ?
- Oui, il a des titres que tout le monde n'a pas. Mais en dehors de ça, il n'a rien.
Faire des routes, construire des écoles et réduire le train de vie de l'État, ça nécessite beaucoup d'argent. Comment comptez-vous financer tout cela ?
- Notre pays dispose d'énormes ressources du sol et du sous-sol. Avec une gestion parcimonieuse, nous pouvons réaliser de grandes choses.
Malheureusement le Gabon a été, passez-moi l'expression, aux mains des maffieux. Des individus, sans foi ni loi, qui ont confondu les caisses du contribuable à leurs poches. En s'endettant de manière raisonnable, nous allons y parvenir.
En un mot, vous comptez encore endetter le pays pour améliorer les infrastructures ?
- En me lançant dans l'amélioration des infrastructures, je vais devoir aller chercher de l'argent là où il se trouve. Je vous le dis, nous sommes dans un pays béni des Dieux. Seulement deux millions d'habitants, avec des ressources inestimables. Il y a même des ressources qui ne sont pas encore découvertes…
… Soyez s'il vous plaît un peu plus précis ?
- Imaginez que le budget de l'État s'élève à 5 000 milliards par an. En sept ans, c'est une sacrée somme. Vous multipliez 5 000 milliards par 7, ça vous donne un ordre de grandeur. Et si, à la clé, il y a une programmation rigoureuse, alors tout est possible.
Comment entendez-vous désenclaver l'intérieur du pays ?
- Amenons le développement à l'intérieur du pays. Les parents vont aller travailler à l'intérieur du Gabon et les enfants vont être scolarisés à l'intérieur du pays. Vous verrez que nous n'aurons pas besoin de construire beaucoup d'établissements à Libreville.
Je crois que le véritable problème du Gabon, c'est cette occupation disparate du territoire national. Tout ou presque est concentré à Libreville. C'est dans cet esprit que le président de la Transition a récemment posé la première pierre de Libreville II. Une chimère de plus.
Comment comptez-vous soigner l'école ?
- L'école souffre des grèves à répétition et de sa politisation à outrance. J'entends remettre les enseignants au cœur du système éducatif. En améliorant leurs conditions de vie. Ce qui passe par la revalorisation de leurs statuts et la construction des logements d'astreinte, surtout à l'intérieur du pays.
L'eau et l'électricité sont-elles inscrites dans vos ambitions ?
- L’accès à l’eau potable est un enjeu majeur. J’ai obtenu, grâce à mes contacts en Turquie, la possibilité de mettre en place un traitement efficace des eaux au Gabon. Actuellement, nous nous appuyons sur l’usine de traitement d’eau de Ntoum dont les équipements sont obsolètes. Il faut investir dans des forages et des stations de traitement modernes…
… Et l'électricté ?
- Quant à l’énergie, nous avons un énorme potentiel hydraulique, mais nous ne l’exploitons pas. Pourquoi le barrage de l'Impératrice à Fougamou, dans la Ngounié, n’a-t-il pas été construit ? Pourquoi le projet du barrage de FE 2 à Mitzic, dans le Woleu-Ntem, a été abandonné ? Nous ne sommes pas sérieux ! Nous préférons louer des bateaux énergétiques à 12 milliards par mois plutôt que de construire des infrastructures durables…
… Que faire alors pour garantir un accès à l’électricité ?
- Il faut d’abord moderniser nos installations vétustes, renforcer les infrastructures existantes et construire de nouveaux barrages. Nous avons les ressources naturelles pour le faire, mais il faut une volonté politique forte et sincère.
Vous critiquez la gestion actuelle du pays ?
- Oui, parce que la mal gouvernance a été maintenue. On demande aux enseignants de ne pas faire grève alors qu’ils vivent dans des conditions précaires, pendant que d’autres roulent dans des voitures luxueuses. On demande aux médecins et aux infirmiers de ne pas revendiquer, alors que les fonds communs profitent à une minorité. C’est injuste !
Pour conclure, quel message adressez-vous aux électeurs ?
- Je voudrais dire aux Gabonais que je ne suis ni fou ni menteur. Mon combat est pour l’égalité des chances, pour un Gabon où chaque citoyen a sa place et où les richesses du pays profitent à tous.
Entretien réalisé par Rudy HOMBENET ANVINGUI
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