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Société & Culture

Marché Mont-Bouët : les vendeurs à l'assaut de la boue et des abus

Une vue du marché Mont-Bouët à Libreville © DR

Une vue du marché Mont-Bouët à Libreville © DR

La journée du 18 décembre 2024 a commencé sous de sombres auspices pour les commerçants du marché Mont-Bouët. La pluie incessante a transformé les allées, notamment celles reliant la tour à la Gare-routière, en véritables pistes boueuses. Malgré ce temps exécrable, les vendeurs de "moutouki", ou friperie, persistent et signent, car pour eux, le choix est limité. Dans la cacophonie ambiante, un incident illustre leur combat quotidien : un chauffeur de la société SGS roule sur des étals laissés sur le chemin, provoquant la colère des marchands, qui lui promettent l'enfer chez Dieu. Ce dernier, indifférent, poursuit sa route, symbole des défis que ces travailleurs informels doivent surmonter.

Alvaresse Beyemb Be Nguema, Michelle Aboghe et Angela Ngoma, du Syndicat des débrouillards du Gabon, ainsi qu'Elvis Rodrigue Zang et Gabriel Steve Mve de l'ONG Solidarité pour le développement du Gabon, décrivent un tableau sombre. Ils se plaignent de leurs rêves déchus, étouffés par une parafiscalité étouffante et une municipalité sourde à leurs revendications. Pour eux, les opérations "Libérez les trottoirs" ne font qu'aggraver la situation. Au lieu de favoriser l'ordre, elles renforcent des réseaux d'abus. 

Beyemb Be Nguema dénonce le système en place : "Les vendeurs informels remplissent les caisses de la mairie et les poches des agents municipaux. Le marché est leur chasse gardée, et tout changement est accueilli avec hostilité." Cette colère est nourrie par des accusations de corruption, où des agents se font complices des pratiques illégales en échange d'argent. Les vendeurs, acculés, se voient contraints de verser jusqu'à 100 000 francs pour "retrouver" leur place, sans aucune quittance.

En plus de ces pots-de-vin, la municipalité impose une série de taxes, notamment un timbre journalier de 2 000 francs pour tous les vendeurs, et des régies hebdomadaires. Les responsables de l'ONG estiment qu'avec environ 2 000 commerçants entre la place La Tour et la Gare-routière, les revenus annuels de ces taxes s'élèvent à des millions, au détriment du pouvoir d'achat des travailleurs. Leur désespoir s'accompagne de la conviction que l'opération "Libérez les trottoirs" ne parviendra jamais à instaurer un véritable changement. "Les agents municipaux et policiers se substituent à la mairie. Nous avons été confrontés à des gradés qui nous ordonnaient de laisser faire", expliquent-ils. 

L'ombre de la répression plane sur ces marchés. Bien que la présence policière ne soit pas nouvelle, les témoignages de vendeurs concernés font état d'accords tacites avec la police, qui perçoit des sommes quotidiennes pour garantir un semblant de tranquillité. À Nzeng-Ayong, par exemple, un vendeur indique qu'il doit verser 500 francs par jour à l'Hôtel de Ville pour éviter des problèmes. La confiscation des marchandises est également une réalité redoutée. Un vendeur relate que les agents exigent jusqu'à 10 000 francs pour récupérer un ballot de vêtements saisis. D'autres, plus prudents, parlent d'"arrangements" sans oser aborder le sujet du racket.

En somme, le quotidien des vendeurs informels au marché Mont-Bouët se résume à une lutte acharnée contre la boue, les abus de pouvoir et une fiscalité écrasante. Leur cri de désespoir résonne dans les allées, mais pour l'instant, il semble se heurter à un mur d'indifférence. Le temps est peut-être à la pluie, mais pour ces commerçants, la tempête est surtout celle des injustices qu'ils subissent au quotidien.
 

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