Interview de Hans NDONG MEBALE (L'Union) et Yves Laurent NGOMA (RFI)
L’UNION : Monsieur le ministre, la transition n’est pas encore finie. Post-transition, qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que ce n’est pas le gouvernement de l’après-transition qui devait faire cette réflexion ?
Mark Alexandre Doumba : Absolument pas. Le gouvernement, les Gabonais sont prêts pour l’après. La transition, c’est une parenthèse pour l’histoire du Gabon, mais le développement continue. Les préoccupations des Gabonais ne se sont pas arrêtées et donc nous avons notre responsabilité, tant que nous sommes responsables, de penser aux Gabonais et à son développement à court, moyen et long terme. Ceux qui viendront après la transition pourront soit poursuivre ce que nous avons engagé comme initiatives et réformes, soit changer les orientations, c’est selon eux.
L’UNION : Le financement post-transition en interne, quelles ressources envisagez-vous ?
En interne, ça commence toujours par les recettes fiscales. Donc, l’idée c’est de pouvoir augmenter les recettes fiscales sans forcément accroître la pression fiscale sur les mêmes opérateurs. Nous allons devoir diversifier cette base-là, notamment en formalisant le secteur informel, qui représente quand même près de 50 % de notre économie. C’est le mécanisme principal. Puis ensuite, on a une prête main-forte. Le Gabon a quand même un taux d’épargne brut parmi les plus élevés du continent. Donc, il y a des capitaux en banque qui ne sont pas suffisamment bien orientés vers l’économie réelle. On va travailler sur les réformes qui permettront d’améliorer l’affectation de la ressource vers les investissements structurants.
L’UNION : Au niveau international, à quel bailleur pensez-vous ?
Tous les bailleurs. Le Gabon s’inscrit dans une dynamique de justification, d’intensification des partenariats avec les bailleurs existants et de reprofilage de la dette telle qu’elle a été constituée, de sorte à ce qu’elle soit à un coût moins important et qu’elle ait un impact plus fort pour notre économie. Donc, on est ouvert à l’idée de travailler avec tout le monde : les partenaires existants et traditionnels, ainsi que les nouveaux partenaires qui viennent s’inscrire dans le dispositif de financement mondial.
L’UNION : Mais le pays est lourdement endetté monsieur le ministre ?
Le pays n’est pas lourdement endetté. Le pays est endetté à hauteur de 70 % de son PIB. C’est un ratio qui est très correct lorsqu’on regarde un peu ce qui se fait dans les pays développés. La France a un taux d’endettement de plus de 100 %, les États-Unis de plus de 100 %, le Japon a un taux d’endettement de plus de 200 %. Donc, en réalité, le sujet du bien d’endettement africain est un faux sujet. Le vrai sujet, c’est la dette que nous avons : comment est-ce qu’on peut la mobiliser pour mieux l’orienter vers des investissements structurants ? C’est peut-être ce que nous avons failli de faire par le passé. Et s’il y a un débat là-dessus, nous sommes ouverts, mais parler de ratio d’endettement comme étant surélevé n’est pas le sujet.
L’UNION : N’a-t-on pas l’impression que cette réunion, qui réunit pratiquement toute la crème du système financier et monétaire est une rencontre de trop ? Quand on sait que des réunions ont déjà existé par le passé, l’année dernière, au début de cette année, il y a déjà eu ce genre d’assises. Pourquoi ne pas simplement s’appuyer sur les recommandations qui avaient été sorties de ces rencontres ?
Vous avez raison, mais les réflexions ne sont jamais de trop, parce que le pays évolue, le pays change, les chocs émergent constamment. Au moment où nous avons, par exemple, fait notre dernier échange, le président Trump n’était pas à la Maison-Blanche, il n’avait pas suspendu l’aide au développement. Donc, tous ces récents changements provoquent naturellement un besoin pour adapter ces nouvelles réalités à notre politique économique.
L’UNION : Au Gabon, on parle beaucoup de diversification de l’économie, mais on ne la voit très peu appliquée sur le terrain. Qu’est-ce qui manque réellement pour diversifier l’économie ?
Effectivement, la diversification de l’économie, c’est un long processus. Ça nécessite vraiment de la planification des ressources humaines, financières. Par le passé, nous avons tenté. Je dirais que les gouvernements qui nous ont précédés ont tenté, mais ça n’a peut-être pas pris.
Pour quelles raisons ?
Parce qu’il y a tout un tas de facteurs endogènes et exogènes qui sont là. Par exemple, vous voulez développer l’énergie : ce sont des projets qui prennent au moins cinq ou six ans pour pouvoir entrer en production. Vous voulez développer l’activité commerciale et diversifier votre exportation, mais si votre tronçon de route et votre ligne de transfert ne sont pas en capacité de pouvoir supporter la hausse de votre production en minerai et autres, vous voyez tout de suite que vous avez des contraintes à la diversification. Donc, la diversification nécessite pour nous de lever les contraintes à l’exportation et à la commercialisation pour que cette diversification prenne réellement forme. Et c’est vraiment le processus dans lequel le gouvernement de transition souhaite s’initier, de sorte que le gouvernement post-transition puisse intensifier.
L’UNION : Monsieur le ministre, vous disiez lors de votre intervention tout à l’heure que vous sentez quelque chose de nouveau, que vous sentez une confiance au niveau des partenaires et des investisseurs. Est-ce que vous pensez que cette confiance peut être visible sur le terrain ?
Honnêtement, oui. Et d’ailleurs, c’est ce que j’ai exprimé. Je suis confiant et j’ai confiance que l’économie gabonaise sera meilleure demain. Je suis confiant en ce que les Gabonais comprennent qu’il est essentiel que nous changions de paradigme si nous voulons avoir l’économie que nous voulons. Ça ne va pas se faire automatiquement. Ça va nécessiter une période peut-être un peu difficile à très court terme pour pouvoir aller beaucoup plus loin, beaucoup plus haut à moyen et long terme.
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