Mairie de Libreville : le pari "fou" d'Anges Kevin Nzigou ?

Libreville aime à se dire capitale ouverte à tous les Gabonais. Mais quand il s’agit de choisir son maire, l’histoire raconte que le fauteuil finit toujours dans les mains d’un Fang ou d’un Mpongwè de l'Estuaire. Une règle tacite que la pratique politique a rendue intangible. C’est ce verrou qu’Anges Kevin Nzigou veut faire sauter. "Je suis candidat à la mairie de Libreville !", a-t-il lancé le 9 août dernier à Nzeng-Ayong, son quartier "natal", avant de le répéter le lendemain face à la presse.

Son programme est ambitieux : rompre avec les arrangements d’arrière- salle, moderniser la gestion municipale, imposer la transparence, dépoussiérer un système figé. L’avocat avance armé de six porte-paroles, un parti (Front démocratique socialiste - FDS) et des candidats dans les six arrondissements. Il veut rafler au moins la moitié des 151 sièges des conseillers municipaux pour décrocher la mairie centrale. Mais à Libreville, on gagne moins par les discours que par les alliances et les réseaux.

"Je ne suis pas candidat pour perdre", prévient-il comme pour conjurer les tractations de couloir. Pour justifier sa légitimité il affirme : "Je suis né à Nzeng-Ayong. On est de là où on naît. Vous voulez me dire que je suis de Ndendé alors que je n’ai que la tombe de ma grand-mère là-bas ?". Une formule affirmant son ancrage mais qui peut paraître maladroite.

Dans la capitale beaucoup sont nés, y ont grandi et commencé leur carrière politique tout en revendiquant fièrement leurs origines. En semblant même indirectement rabaisser Ndendé, il prend le risque de heurter ce double sentiment d’appartenance que beaucoup assument. Mais il reste focus puisqu'il n’envisage pas de plan B.

Candidat au 6e arrondissement, il insiste : "Ma volonté c’est d’être maire de Libreville. Pas d’arrondissement". Dans les salons feutrés, on murmure que le système n’est pas prêt à briser cette règle tacite par crainte de heurter les sensibilités autochtones. Et dans une Ve République naissante où le parti présidentiel entend sans doute verrouiller le plus grand conseil municipal du pays, la candidature de Nzigou survivra-t-elle ?