La situation financière de la SEEG demeure chaotique depuis 1987, année où l'ensemble de ses pertes dépassaient les trois-quarts du capital. À la fin 1992, ces pertes représentent plus de 40 milliards de francs CFA, soit 20 fois la valeur du capital. Les sommes dues à la Société d'énergie et d'eau du Gabon sont estimées à 46 milliards de francs : 20 milliards pour l'Etat et les collectivités, 11 milliards pour le secteur para-public et 15 milliards pour les autres clients. Les perspectives présentées lors de la réunion du Conseil d'administration du 18 décembre 1992 font apparaître, à très court terme, que la société n'est pas en mesure de faire face à ses obligations, l'impasse de trésorerie atteignant 9 milliards de francs CFA.
DETTES
La SEEG doit 8 milliards de francs à ses fournisseurs (quatre mois de crédit). La dénonciation de l'accord de consolidation entre le Gabon et le Fonds monétaire international (FMI) fait qu'elle est tenue de payer ses dettes bilatérales aux banques françaises, soit 3,4 milliards au titre des arriérés à la Banque nationale de Paris (BNP) et au Crédit lyonnais. Les échéances de l'année en cours, soit 658 millions de francs CFA, seront appelées le moment venu. Il en est de même pour la CFD, qui réclamera à la fin de ce mois et en octobre prochain le montant des échéances des prêts en cours qui s'élèvent à la somme de 2.652 millions de francs CFA.
DÉFICIT
Le déficit hydrologique dans la vallée de la Mbei va induire des consommations de gasoil pour permettre la continuité d'approvisionnement en électricité de la ville de Libreville. Ce surcoût est estimé à 3 milliards au moins et peut atteindre les 8 milliards de francs en fonction de la sévérité de la saison sèche, qui n'est pas inclus dans l'impasse de trésorerie précédemment évoquée. Déjà en 1992, la société avait dépensé près d'un milliard pour l'achat de combustibles afin d'assurer la continuité de l'alimentation en électricité de Libreville. Voilà qu'en ce début d'année le niveau de la retenue est de nouveau le plus bas jamais observé à la même époque de l'année. L'amélioration observée au niveau de certains indicateurs, après la signature du contrat-programme le 9 janvier 1991 demeure insuffisante. La marge entre la situation actuelle et une performance plus grande, parfaitement accessible à l'entreprise, étant encore importante, notamment en ce qui concerne la maitrise de ses dépenses de fonctionnement (matières et services du personnel).
FAILLITE ?
La SEEG connait déjà des difficultés pour financer son fonctionnement courant. L'allongement des délais de paiement (passés de 60 à 120 jours) provoque dès à présent une crise de confiance de la part des fournisseurs. Les relances sont de plus en plus fréquentes et pressantes, tant de la part des fournisseurs locaux qu'étrangers. Ces derniers, en particuliers, utilisent toutes les procédures qui sont à leur disposition (rappels successifs, mise en demeure, transmissions à huissiers, mise en demeure d'huissiers avant transmission des dossiers devant les tribunaux...).
Conséquence : la SEEG n'est pas à l'abri, aujourd'hui, d'une procédure de mise en faillite, même de la part d'un créancier mineur. Parce que incapable de payer les arriérés qui lui sont réclamés. Elle aura beaucoup de difficultés à honorer les échéances 1993. De plus, si les conditions hydrologiques restent défavorables, la société sera contrainte d'opérer des délestages tournants sur Libreville plusieurs mois durant, faute de moyens financiers pour acheter le gasoil. Faute de financements, les travaux pour résoudre les problèmes de salinité à Port-Gentil ne pourront être lancés, ni ceux relatifs au deuxième forage de Mandji ou au renforcement des installation d'eau de Mayumba.
CONDITIONNALITE
Les investissements dans une société de la nature de la SEEG concernent la réhabilitation de l'outil de production (interventions sur les installations de production, renforcement des transformateurs et des réseaux, etc), des opérations nouvelles à caractère plus ou moins urgent et crucial (salinité à Port-Gentil, forage à Mandji, installations d'eau à Mayumba,.), des extensions des réseaux dans les différents centres et d'autres opérations visant à assurer le maintien ainsi que l'amélioration des conditions d'exploitation du service public. Or, l'impasse de trésorerie révélée au cours de l'examen des comptes prévisionnels de la SEEG pour 1993, qui ne tenait pourtant pas compte des besoins induits par le déficit hydrologique, a conduit le Conseil d'administration à subordonner l'engagement de toute opération d'investissement à la fixation du régime juridique de l'activité. Il s'agit en effet de la conditionnalité majeure à l'obtention de financements auprès de la CFD.
ESPOIR
Une lueur d'espoir se profile cependant à l'horizon. L'adoption, en début de semaine par l'Assemblée nationale, du dispositif législatif et réglementaire appelé à régir le fonctionnement du service public de l'eau potable et de l'électricité, qui comporte trois textes de lois (régime juridique de la production du transport et de la distribution de l'eau potable et de l'énergie électricité, celui relatif à la création du Fonds spécial de l'eau et du Fonds spécial de l'électricité), est d'une importance capitale pour l'amélioration des conditions de fonctionne ment de la société. Il va permettre de les simplifier, les clarifier et autoriser, grâce à la restructuration financière qui sera opérée, l'accès aux concours bancaires indispensables au financement de ses activités.
SOLUTIONS
Cependant les financements obtenus ne résoudront pas toutes les difficultés de la SEEG, notamment celle relative au déficit hydrologique sur la vallée de la Mbei. Une défiscalisation sur le prix du gasoil constituera donc une bonne bouffée d'oxygène pour la société, soutient M. François Ombanda, directeur général de la SEEG, qui souhaite par ailleurs que les abonnés de Libreville utilisent à bon escient l'eau potable et l'électricité, et régularisent à temps leurs factures mensuelles de consommation.
"Nous allons dorénavant être très rigoureux envers nos clients car le rythme de recouvrement sera accéléré", confie-t-il. Il faut aussi que l'Etat fasse un effort pour régler ses impayés. Sur le plan interne, un certain effort de restructuration des effectifs, amorcé depuis 1988 se poursuit et se développe (14,13% de baisse cumulées depuis cette date). Ce qui correspond à une diminution de plus de 322 agents en cinq ans, soit une moyenne annuelle de 64 agents. Depuis 1991, une opération "pré-retraite est mise en exécution. Elle représente, à elle seule, 54% des départs de l'année et 34,5% des départs depuis 1988.
NDEMEZO'O-ESONO