Aller au contenu principal
Économie

Isabelle Essonghe : "La diminution drastique de notre réseau de points de vente nous permet d'éviter un scénario catastrophe"

Isabelle Essonghe

L'Union. Nous apprenons, par diverses sources, que la Ceca-Gadis a, au cours de son dernier Conseil d'administration, pris la décision de procéder à la fermeture de plusieurs magasins de proximité à travers le pays. Qu'en est-il exactement ?

- Isabelle Essonghe : Je confirme que votre source d'information est bonne, mais je vous affirme qu'il est difficile de prendre une telle mesure, qui nous a paru nécessaire au regard de nos performances de ces dernières années. L'année 2024 a enregistré un chiffre d'a aires en recul de 3 % et un résultat déficitaire, réduisant notre capacité d'investissement dans un environnement qui voit forcir le secteur informel. Secteur qui entretient une concurrence déloyale agressive et asymétrique.

Le tout, dans un contexte de forte pression fiscale qui rogne les bénéfices et anéantit tous les efforts fournis en matière d'économie de charges (CFU, IMF, diverses taxes...). Il faut savoir que ces derniers dix ans, les bénéfices de la société n'ont servi qu'à couvrir des obligations fiscales. Tous les segments de nos différentes activités sont attaqués. L'année 2025 suit la même tendance. Mais nous avons la volonté, le courage et la conviction d'inverser cette mauvaise courbe.

Quelle est la part des magasins de proximité dans ce devissage ?

Nos mauvais indicateurs sont effectivement provoqués essentiellement par notre département Gaboprix, qui couvre les enseignes des magasins de proximité Cecado, Maxigros, Intergros et Gaboprix implantés à travers tout le pays.

En effet, le chiffre d'affaires de cette exploitation a connu une baisse significative de 4,8 % en 2024 et un résultat d'exploitation qui s'est dégradé de 13 % par rapport à 2023. Concernant le résultat net, il a suivi cette tendance négative avec un recul de 18 %, enregistrant la perte la plus importante au sein de la société. Ce département perd alors de l'argent depuis plusieurs années.

Ses difficultés risquent d'entraîner en réalité à très court terme la chute de la Ceca-Gadis avec des conséquences sociales graves pour plus de 2 000 emplois directs et indirects de nationaux. Afin d'éviter ce scénario catastrophe, la seule solution reste la diminution drastique de notre réseau de points de vente.

Car, aujourd'hui, avec la suppression des exonérations et la rationalisation des subventions, nous ne pouvons plus compter sur l'accompagnement de l'État qui nous a permis pendant des décennies de maintenir des exploitations sans rentabilité économique dans toutes les localités du pays, même dans les endroits les plus reculés.

Comment en êtes-vous arrivés à ce point, alors que votre entreprise a toujours été jugée en bonne santé ?

- Cette situation est la conséquence de la suppression en 2018 de l'accompagnement de l'État, lequel permettait à la Ceca-Gadis depuis l'année 1967 d'accomplir un rôle de modérateur de prix, d'offrir des produits à un meilleur rapport qualité/ prix, de garantir la proximité par une politique d'implantation dans toutes les localités, même les plus éloignées des centres urbains et de participer à l'aménagement du territoire et au développement local.

La suppression brutale au 1er janvier 2018 de cet accompagnement perturbe depuis huit ans le développement de la Ceca-Gadis et ses performances. Cependant, les dirigeants de l'entreprise n'ont pas pris de mesures drastiques (licenciements économiques, fermeture de magasins, Ndlr). Au contraire, la société a conservé le dispositif de ses implantations, alors que son chiffre d'affaires déclinait vertigineusement d'année en année.

Vous nous faites alors comprendre que la situation n'est plus tenable aujourd'hui ?

- Il est clair que pour "sauver" Gaboprix et, surtout, l'ensemble de la Ceca-Gadis, une restructuration profonde s’impose. Elle passe par le redimensionnement de l'étendue du réseau de magasins de proximité. Il a été ainsi décidé de diminuer le nombre de points de vente à travers le pays. Ceux dont les indicateurs de gestion ne permettent plus le maintien en activité et qui ne contribuent plus aux charges de la structure.

Dans un premier temps, et ce mouvement est engagé, nous supprimerons plusieurs dizaines de magasins. Cette opération de réduction de notre parc de boutiques pourrait se poursuivre si les circonstances le commandent, car nous tenons à la préservation et à la pérennité de notre entreprise.

La contraction du nombre de succursales entraîne une rationalisation des implantations. Plusieurs provinces sont impactées par ces fermetures. Notamment l'Estuaire, la Ngounié, la Nyanga, l'Ogooué-Lolo, le Haut-Ogooué, le Woleu-Ntem et l'Ogooué-Ivindo.

De quelle ampleur seraient ces fermetures ?

- D'un total de 103 magasins dans l'ensemble du pays, nous allons désormais en compter une soixantaine. À ce stade, nous pouvons comprendre la tristesse des populations de voir disparaître le décor de nos enseignes dans leurs localités. Mais le patriotisme nous permet de proposer, dans le cadre de notre politique en faveur de l'entrepreneuriat, une alternative pour les locaux. C'est-à-dire la formule de gestion des unités commerciales de proximité, dénommée "Propriétaire-Partenaire Allié" que nous entendons, à bref délai, instaurer et développer.

Nous donnerons la possibilité à nos anciens bailleurs et à toute autre bonne volonté, d'exercer le commerce avec notre appui technique et la plus-value de notre professionnalisme. Nous pouvons dire ici, que la création de la Centrale d'achat du Gabon (CEAG) laisse envisager un assainissement prochain des circuits d'importation et de distribution locaux. Chaque acteur du marché jouera sa partition à armes égales avec les autres.

Nous comprenons que vous êtes dans une phase de prise de décisions avec pour ambition de relever et consolider votre entreprise, mais que pouvez-vous nous dire de vos projets ?

- Vous imaginez que le contexte défavorable ainsi décrit ne m'éloigne pas d'une vision stratégique élaborée. Ainsi, au début de l'année dernière, j'avais fixé le cap des choix stratégiques de l'entreprise. J'ai dénommé ce plan "Excellence 2024-2027 à la reconquête du marché". Il s'articule autour de deux axes qui sont la différenciation et la transformation, pour affirmer et consolider notre subsidiarité et notre avantage comparatif sur les produits et services proposés.

Ce programme ambitieux confirme la nouvelle orientation de la Ceca-Gadis. Par la transformation, nous indiquons que notre environnement socioéconomique évolue et que l'entreprise doit se transformer. Il est nécessaire d'acquérir de la fluidité et de la réactivité dans la prise de décision et repenser la façon de travailler des équipes. Par la différenciation, nous indiquons que cette différenciation nait de la volonté de la Direction générale de faire de la Ceca Gadis un acteur incontesté et innovant de la distribution au Gabon, en offrant une expérience client d'excellence et en contribuant au développement de l'économie locale.

Elle a, pour socle, de nombreuses ambitions comme la consolidation du leadership dans la grande distribution de produits alimentaires et de grande consommation, la modernisation de l'image de la société, l'accélération de la digitalisation, la promotion du développement durable, le soutien aux producteurs locaux et de l'entrepreneuriat, la normalisation des process... Cette différenciation sera effective à travers la modification du réseau de distribution, la modernisation des points de vente, l'optimisation de la logistique, le développement de l'offre commerciale, etc.

En guise de mot de fin, alors que vos fonctions managériales sont prenantes, comment avez-vous pu en même temps, et récemment, mener une campagne pour les élections locales dans la ville de Port-Gentil ?

- Je peux vous assurer que j'ai dû m'organiser pour allier mes responsabilités professionnelles et le dé  politique que j'avais à relever. En fin de compte, et avec satisfaction, je vous confirme la victoire éclatante de la liste que je conduisais pour le compte de mon parti, aux élections locales du 27 septembre dernier dans le 3e arrondissement de la commune de Port-Gentil avec l'élection de la quasi-totalité des conseillers municipaux.

random pub

Publicom
Pub Visa Afrique
Publicom
Logo