La requête du Premier ministre Raymond Ndong Sima, aux fins de lui soumettre la question de savoir si l'interdiction de vente des terres aux non-nationaux en République gabonaise, énoncée au deuxième alinéa de l'article 28 de la Charte de la Transition, est opposable à toutes les catégories de personnes étrangères, notamment les représentations diplomatiques, consulaires, les organisations internationales et les sociétés de droit étranger, la Cour constitutionnelle a rendu le 18 septembre dernier un arrêt confirmant cette interdiction.
Et si cette proscription "vise aussi bien les personnes physiques que les personnes morales, il n'en demeure pas moins que l'Etat, en toute souveraineté, dans ses relations avec d'autres partenaires diplomatiques et économiques, pour promouvoir ses intérêts économiques, peut concéder une propriété bâtie ou non à des personnes morales de nationalité étrangère", souligne l'arrêt de la Cour constitutionnelle. C'est dire qu'en
dehors des dérogations prévues par la loi, il est formellement interdit de vendre des terrains à des sujets étrangers au Gabon.
Il faut d'ailleurs rappeler que lors du Dialogue national inclusif d'Angondjé, la question foncière aura été l'une des recommandations fortes de ces assises. Les Gabonais, dépossédés de leur terre pour un grand nombre d'entre eux, et longtemps traumatisés par une gouvernance des anciens dirigeants du pays faisant la part belle aux non-nationaux, ont donc acté cette mesure déjà contenue dans la Charte de la Transition. En clair, les Gabonais veulent en finir avec cette culture du déshonneur consistant à les faire se sentir étrangers sur leur propre sol. Ils veulent que soit mis un terme à ces situations ubuesques et intolérables dans d'autres pays, où des individus venus d'ailleurs, parfois par des voies détournées, se découvrent grands propriétaires de terres qu'ils revendent ensuite à des fils et filles du pays à des coûts exorbitants.
Le cas le plus emblématique de ces comportements pour le moins invraisemblables vécus dans le Grand Libreville reste celui d'Essassa où des ressortissant camerounais, agissant semble-t-il avec la bénédiction de quelques nationaux foncièrement malhonnêtes et inciviques, avaient accaparé d'importantes superficies de terrains qu'ils morcelaient avant de les revendre à plusieurs millions de francs le lopin de terre. L'arrogance en bandoulière, parce que convaincus, semble-t-il, d'être toujours soutenus par leurs "commanditaires", ces messieurs ont même tenté de braver, il y a quelques semaines, l'autorité d'un responsable d'administration en charge des questions foncières.
"Mais ce dernier ne s'est pas laissé faire", témoigne une source anonyme derrière le Lycée Berthe & Jean. Au-delà de l'interdiction de vente des terrains aux étrangers, une mesure d'ailleurs contenue dans le projet de nouvelle Constitution, à en croire les rédacteurs de cette Loi fondamentale, il conviendrait de faire en sorte que les Gabonais intègrent cette disposition dans leur quotidien. Tant il faut reconnaître qu'ils sont eux-mêmes en partie responsables de leurs propres malheurs.
En effet, dans plusieurs quartiers de Libreville ou même dans les villages de l'intérieur du pays, les auxiliaires de commandement ont souvent été cités dans la vente des terrains. A ces derniers s'ajoutent certains particuliers présumés propriétaires de domaines ancestraux dont ils ne préféraient d'ailleurs vendre le moindre morceau qu'à des non-nationaux, au détriment de leurs propres concitoyens se trouvant pourtant dans le besoin de bâtir.
Mais les Gabonais doivent comprendre qu'avec de nouveaux dirigeants au sommet de l'Etat, les pratiques anciennes doivent impérativement cesser. La loi existe, mais pour qu'elle soit opérante, il faut que chaque citoyen se l'approprie et la fasse respecter à son niveau. La restauration de la dignité gabonaise constitue, en effet, un challenge qui engage d'abord la responsabilité individuelle, avant de devenir un défi collectif.