L'Union. Madame la ministre, le Conseil des ministres du 8 septembre 2025 a entériné l'arrêt immédiat du maintien en activité des agents publics ayant atteint l'âge de la retraite quel que soit le corps de métier, afin de libérer des postes budgétaires et de favoriser le renouvellement des effectifs. Pourquoi cette exigence devient-elle une priorité maintenant ?
- Pr Marcelle Ibinga-Itsitsa : Le maintien en activité après la limite d'âge de mise à la retraite est une disposition exceptionnelle, encadrée par le Statut général de la Fonction publique, obtenue après accord du président de la République. Or, nous assistons à des dérives comme le maintien en activité qui n’obéit pas à la loi. D’où la nécessité d’arrêter cette pratique dans une administration publique qui se veut désormais performante et respectueuse des règles. L’âge de la retraite étant fixé à 62 ans (ou 65 ans pour certains statuts particuliers), il faut laisser la place aux jeunes diplômés et éviter le vieillissement des ressources humaines après dix ans de gel de recrutement.
Comment expliquez-vous que le maintien en activité exceptionnel soit devenu quasi systématique dans certains corps de métier ?
- Cela s'explique par le non-respect ou la mauvaise interprétation des dispositions statutaires. C'est aussi le fait que beaucoup d’agents publics n’anticipent pas leur retraite. Cela fait partie de toutes les dérives dénoncées dans la gestion antérieure des ressources humaines de l'État. Ces dysfonctionnements ne peuvent plus prospérer aujourd'hui. On a la jeunesse qui est au chômage et il faut lui ouvrir des opportunités. Donc pour un renouvellement ou pour un engagement de cette jeunesse dans la Fonction publique, il faut que les plus âgés acceptent de partir.
Comment le ministère de la Fonction publique garantit-il que cette règle sera appliquée sans dérogation dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l'administration publique ?
- Cette mesure a été décidée par le président de la République. Il est donc obligatoire pour toutes les administrations publiques concernées de la respecter scrupuleusement. Elle sera préalablement encadrée par un acte juridique, adopté en Conseil interministériel puis validé en Conseil des ministres. Cela évitera toute contestation devant les juridictions.
Vous parlez d’un préalable qui est la prise d’un acte juridique pour appliquer cette mesure. Combien de temps faudra-t-il attendre pour sa mise en place ?
- Ce sera systématique. Nous allons le faire très prochainement. Comme nous e nt ron s e n campagne, il n’y aura plus de Conseil interministériel. Or, vous savez comment se déroule le circuit d’adoption d’un texte. Il doit d’abord passer en Conseil interministériel, être discuté entre les membres du gouvernement, puis adopté. Ensuite, il est soumis au Conseil des ministres pour adoption et, enfin, le président de la République le valide et l’entérine.
Quelles dispositions sont prévues pour accompagner les agents publics retraités afin de réduire l’impact psychologique et professionnel de cette mesure ?
- D’abord, la mesure ne sera pas rétroactive. Ceux déjà en maintien d'activité iront au terme de leur contrat. Ceux qui voudront demander cette faveur ne pourront plus l'avoir. Parce qu'on sera déjà dans l'application de la mesure. Pour les autres, l’annonce du Conseil des ministres elle-même doit permet tre d’anticiper. Tout au long de sa carrière l'agent public bénéficie d'avancements automatiques à l'ancienneté, mais surtout de promotions catégorielles par des stages, des concours pour, entre autres, augmenter son salaire de base et donc sa pension in fine. Psychologiquement, il ne faut pas voir la retraite comme une sanction ou la fin de la vie. Tout est mis en place dans nos services pour que les documents afférents à la mise à la retraite soient prêts à date. Il s'agit, ici, de réduire le temps d'attente entre le dernier salaire et la première pension pour ne pas clochardiser les agents publics admis à la retraite.
Existe-t-il un mécanisme de valorisation ou de transmission des compétences afin d’éviter une perte brusque d’expertise ?
- En fait, cela fait partie des réformes en cours au ministère de la Fonction publique. Il s'agit d'instaurer une culture de l'apprentissage et de développement de tous les agents publics et de favoriser le transfert et le management des connaissances. Il faut donc planifier le renforcement des capacités des ressources humaines en fonction des départs, par des séminaires, des ateliers et des échanges d'expérience.
Quel est l’impact budgétaire estimé de ces maintiens en activité, et comment la réforme permettra-t-elle de réorienter ces ressources ?
- L’impact financier relève surtout du ministère de l’Économie et des Finances. Toutefois, un travail de fiabilisation des effectifs est en cours, avec le croisement du fichier solde et du nombre réel d’agents civils, pour assurer une adéquation entre masse salariale et effectifs.
L'on comprend bien que l'objectif de l'État est d'ouvrir des opportunités aux jeunes qui démontrent des compétences stratégiques et de leur permettre d'intégrer la Fonction publique. Mais comment faire pour rendre cette mesure effective ?
- Écoutez, les jeunes qui démontrent des compétences stratégiques seront recrutés selon les besoins exprimés par chaque ministère sectoriel et en fonction de la soutenabilité budgétaire. Ce que les agents publics doivent savoir ou les Gabonais de façon globale, c'est que le ministère de la Fonction publique ne recrute pas. Il répond aux besoins exprimés par les autres ministères.
Finalement, que va changer cette réforme dans la gestion des ressources humaines de l’État ?
- Cette réforme, qui entre dans la droite ligne de la vision du chef de l'État, Brice Clotaire Oligui Nguema, permettra de disposer d'une administration performante, fondée sur le respect des principes qui la régissent. On peut effectivement espérer une administration publique plus équitable, plus transparente et prévisionnelle en respectant le principe des entrées (recrutements) et des sorties (retraites).
Votre mot de fin ?
- C'est d'expliquer simplement aux Gabonais, surtout à notre jeunesse, que l'État-providence n'existe plus. Il faut que les jeunes apprennent à entreprendre. Et le chef de l'État a bien pensé en ouvrant une banque de l'entrepreneuriat pour permettre à cette jeunesse de se mettre à son propre compte, de se lancer et de réussir par son travail, sans attendre systématiquement un emploi public.
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