"Ce n'est pas de gaieté de coeur que les pharmaciens ont 'suspendu les prestations aux assurés de la CNAMGS'', dit en entame Dr Sandrine Itou-Y-Maganga, la présidente du Syndicat des pharmaciens du Gabon (Sypharga). Sauf, ajoute-t-elle, que cette situation était prévisible et depuis longtemps.
Mais, il y a eu le 30-Août. Avec le ''Coup de libération'' et la volonté de restaurer les institutions, le Sypharga a donc pensé qu'il était bien d'attendre que les choses se mettent en place avant de remettre sur la table cette question de suspension des prestations. Mais, après avoir interpellé toute la direction, les ministres de tutelle et les autorités, "nous avons vu que rien de clair ne s'annonçait et avons dû malheureusement suspendre nos prestations au 1er janvier 2025".
Une décision, soutient-on à la CNAMGS, apprise par voie de presse. "C'est ce que la CNAMGS dit. Mais pour être véridique, elle a bien été informée de la situation. On lui a rappelé avoir suspendu la grève en novembre dernier sous certaines conditions. Ils n'ont pas respecté leurs engagements de payer 60 % de la dette saisie en machine au 30 septembre 2024. Ensuite, on partait sur un système où on nous paye tous les mois. Aujourd'hui on ne peut plus prendre pour argent comptant juste des paroles.'' Soit !
Mais combien la CNAMGS doit-elle concrètement aux pharmaciens ? La dette est, hélas difficilement quantifiable, regrette la pharmacienne. ''Nous ne pouvons pas estimer précisément la dette de la CNAMGS envers les pharmaciens. La gestion actuelle étant basée sur un système manuel et archaïque. Chaque jour, la dette s'accumule avec de nouvelles prestations, et ces factures ne sont pas traitées en temps réel. Une digitalisation du système permettrait de connaître la situation réelle et de mieux anticiper'', estime- t-elle.
De même, au début de l'histoire de cette belle aventure, les conventions prévoyaient un règlement tous les 15 jours. "Mais la CNAMGS n’a jamais été en mesure de respecter cette fréquence. Même la convention avec Ecobank, censée garantir un paiement mensuel, n’est pas honorée. Nous servons les patients, mais nos caisses sont vides. Comment importer des médicaments si nous ne sommes pas payés ? Les grossistes qui nous accordaient des délais exigent désormais des paiements comptants, faute de confiance dans le système actuel."
Mais, précise-t-on chez les pharmaciens, voir la crise Sypharga/CNAMGS sous le seul angle financier serait fausser complètement le problème. Car elle a de multiples facettes. ''Ce n'est pas seulement un problème d'argent. Il s'agit aussi de revoir les mécanismes de gouvernance. La liste des médicaments remboursables, par exemple, n’a pas été mise à jour depuis 2018. La lutte contre la fraude dans la gestion des bénéficiaires et l'optimisation des procédures de dispensation doivent être au cœur des réformes. La situation actuelle ne permet pas aux Gabonais d'accéder à des soins de qualité'', tance la présidente du Sypharga qui est contre des solutions à court terme.
"Nous ne voulons pas simplement être payés aujourd'hui pour repartir dans les mêmes travers demain. Il est temps que la CNAMGS adopte un langage de vérité. Si elle n’est pas capable de respecter ses engagements, qu'elle le dise. Nous pourrons alors travailler ensemble à une réforme structurelle qui garantisse la pérennité du système. Nous avons besoin d’un partenariat sincère, fiable et durable pour rendre le médicament accessible à tous."
Il est donc évident que ce mouvement est une sonnette d’alarme. Tant, il ne s'agit pas uniquement de pharmacies, mais de tout le système de santé. Si rien n’est fait, d'autres secteurs suivront assurément. Aussi est-il impératif que les autorités prennent la bonne mesure de cette crise et puissent trouver une solution pérenne.