Dans un ouvrage récent de chez Plon, sous le titre "Les derniers grands", Michèle Cotta, journaliste française et éditorialiste de renom, revient à grands traits sur le " parcours singulier " des "personnages exceptionnels" qui ont marqué profondément la France contemporaine de la Ve République : François Mitterrand, Jacques Chirac, Michel Rocard, Lionel Jospin, Édouard Balladur, Pierre Bérégovoy, etc.
Je ne pense pas me tromper ou m’enivrer avec les mots en disant que Me Louis-Gaston Mayila, décédé le 4 février 2025 en France, où il avait été évacué sanitairement, est à placer haut dans le Panthéon des "derniers grands" qui ont marqué, des décennies durant, le long magistère de feu le président du Gabon Omar Bongo Ondimba. Figure emblématique et atypique de l’écosystème politique gabonais, avocat, homme d’affaires et plusieurs fois ministre, Me Louis-Gaston Mayila fait partie de la garde rapprochée des "jeunes premiers" qui entourent, dans les années 1970-1980, le défunt président de la République gabonaise. Ils ont pour noms Jean-François Ntoutoume Emane alias Jacky, un économiste érudit au verbe intarissable, ce qui lui vaut des surnoms comme "Jacky-Mille-Encyclopédies" ou "Jacky-Mille-Diplômes". Michel Essonghe, introverti, discret, à la pudeur de gazelle, qui était un bourreau de travail, un culte du secret à la sicilienne et aussi un cerveau supérieur parlant peu mais bien, qui restera pendant longtemps le " nègre " indéboulonnable d’Omar Bongo Ondimba. Ajoutons à cette liste non exhaustive, Me Louis-Gaston Mayila. Volubile, d’une ardeur impétueuse, qui était un débatteur redoutable comme le Gabon n’en avait jamais connu auparavant.
Fils de Yombi (Fougamou), il était un spécialiste de la formule choc qui frappe les esprits. Ses interventions publiques suscitaient une véritable "Mayilamania". Les journalistes de ma génération et même ceux d’avant, se bousculaient pour interviewer Me Louis-Gaston Mayila. Surtout lors de l’émission culte de la télévision gabonaise "Les Dossiers de la RTG", où l’homme excellait avec un talent naturel pour la " tchatche". On se pâmait de ses punchlines. Lieutenant politique du président Omar Bongo Ondimba, ce dernier était fasciné par le côté fougueux et percutant de son jeune collaborateur.
En 1990, au sortir du parti unique, incarné par le Parti démocratique gabonais (PDG), Me Mayila décida de quitter la "maison du père", mais prit soin de ne pas rompre le cordon ombilical. Il se complaisait dans un jeu de yoyo politique, une instabilité qu’Omar Bongo tolérait mais qui l’agaçait tout à la fois. "Dans la maison du père j’ai toujours ma chambre", dira plus tard Louis-Gaston Mayila dans une de ces envolées lyriques qu’il affectionnait. Après le décès du Patriarche en juin 2009, le pays est dans le désarroi, le paysage politique gabonais est remodelé. Louis-Gaston Mayila ne s’entendra pas avec le successeur à la tête de l’État, Ali Bongo Ondimba. Souvent controversé, il n’en demeure pas moins que Me Louis-Gaston Mayila était indéniablement, malgré la fougue avec laquelle il défendait ses convictions, un interlocuteur agréable, attentif et ouvert aux compromis. Il a passé sa vie à se "bonifier" dans les sous-sols de la politique nationale. Il s’en va sans doute avec les "blessures non cicatrisées" d’une carrière politique qui ne lui a pas permis d’atteindre les sommets de la " terre promise ". Les grands crus de ses mémorables "punchlines" vont cruellement nous manquer.
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