Pourquoi ses traditionnels bailleurs de fonds s'acharnent-ils concomitamment contre le Gabon ? Que faut-il comprendre à travers cette pression devenue constante de ces institutions financières internationales en matière de remboursement de la dette ?
Si les évènements du 30 août 2023 ont été célébrés comme une libération pour les populations après près de 50 ans de privation, cet enthousiasme ne semble pas être partagé par les partenaires financiers du Gabon. Arrêt des décaissements, suspension des investissements, pressions multi-formes... Le Gabon de la transition est-il devenu en quelque mois un si mauvais élève que ne l'a été les gouvernements précédents ?
En prenant l'engagement de rembourser toutes les créances (même douteuses) contractées par l'ancien régime, le gouvernement de transition s'est-il volontairement mis dans une situation extrêmement délicate ? Les organismes financiers considèrent-ils comme un affront des autorités de la Transition d'investir dans le minimum social au détriment du remboursement immédiat de leurs créances ?
La récente dégradation de la note souveraine du Gabon par l'agence de notation américaine Fitch Ratings (passant de 'CCC +' à 'CCC') démontre cette intransigeance des bailleurs de fonds vis-à-vis de la renaissance économique du Gabon et des nombreux défis sociaux auxquels doit faire face le régime de transition.
En effet, Fitch Ratings a justifié sa décision en raison, avance-t-elle, de tensions financières croissantes qui affectent la capacité du pays à honorer ses engagements, l'accumulation d'arriérés envers les créanciers et... l'explosion des dépenses d'investissements et des mesures sociales mises en place depuis le changement de régime, qui ont amplifié les besoins de financement.
REMBOURSEMENT • Mais quel était réellement l'encours de la dette publique du Gabon avant le 30 août 2023 ? Quelle a été la réaction et la décision du pouvoir militaire vis-à-vis des créanciers du Gabon ? Quels montants ont été décaissés, jusque-là, pour honorer tous les engagements financiers du pays ? D'après les chiffres du ministère des Comptes publics et de la Dette, la situation de la dette publique du Gabon était très préoccupante avant le 30 août 2023.
Elle s'élevait à environ 7 287 milliards de FCFA, répartis en 4 614 milliards de FCFA pour la dette extérieure et 2 673 milliards de FCFA pour la dette intérieure. L'encours prévoyait un service prévisionnel sur plusieurs années avant le 30 août 2023. Malgré quelques avis contraires, les nouvelles autorités ont décidé d'assumer pleinement ce service. C'est dans cette optique que de septembre 2023 au 31 décembre 2024 (15 mois), les autorités de la Transition ont procédé au règlement de 1 727,906 milliards de FCFA de dette publique, dont 801,243 milliards FCFA au titre des règlements extérieurs et 926, 662 milliards de FCFA concernant la dette intérieure.
Le gouvernement vient récemment d'honorer une dette de 17 milliards de francs due à l'Agence française de développement (AFD).
RECONNAISSANCE • Un exploit d'ailleurs salué par Fitch Ratings qui, dans sa dernière revue sur le Gabon, a mentionné la volonté claire du gouvernement de transition de réduire son endettement, de stabiliser ses finances publiques et d'améliorer les recettes fiscales. "Malgré les contraintes budgé-taires, le Gabon a maintenu une politique claire de priorisation du service de la dette Eurobond, même en période de transition politique. Ce sérieux dans la gestion de la dette contribue à maintenir la crédibilité du pays auprès des créanciers internationaux", indique l'agence de notation américaine.
Avant de souligner : "Le Gabon a réussi à réduire son ratio dette/ PIB de 71 % en 2023 à 67 % en 2024. Cette baisse est attribuée à un remboursement stratégique de la dette extérieure et à une forte croissance nominale du PIB. Cela démontre l'engagement du gouvernement à limiter le fardeau de la dette publique, même dans un environnement économique contraint".
Il faut savoir que les avis des agences de notation financières servent de référence pour les investisseurs dans le monde. Si les autorités de la Transition ne peuvent se dédouaner du passif du régime déchu, elles ont assumé l'accumulation des arriérés en procédant progressivement à leur remboursement malgré un contexte économique difficile. Une façon pour Fitch Ratings d'inviter les traditionnels bailleurs de fonds du Gabon à la compréhension et à la retenue en encourageant les nouvelles autorités politiques.