Sogatra : un décès en marge d'une grève met à nu le désespoir des salariés

Le 20 février 2025 restera un jour noir pour la Société gabonaise de transport (Sogatra). Ce jour-là, Serge Niama Mbicka, magasinier depuis 2002, s'est effondré, victime d'un malaise fatal, alors que ses collègues manifestaient pour dénoncer leurs conditions de travail et des salaires impayés. Un drame qui met en lumière le désespoir des employés de l'entreprise publique.

La journée avait débuté par un mouvement de protestation pacifique. Les salariés, excédés par des années de promesses non tenues et de salaires versés au compte-gouttes, ont décidé de se mobiliser pour faire entendre leur voix.  Depuis des années, les retards de paiement plongent les familles des travailleurs dans une insécurité financière chronique.  

Face à la mobilisation des employés, les forces de l'ordre, déployées sur place, ont encadré la manifestation et demandé aux employés de se regrouper dans l'enceinte de l'entreprise. C'est dans ce contexte tendu, alors que ses collègues étaient rassemblés, que Serge Niama Mbicka, la cinquantaine passée, s'est isolé dans le magasin des pièces détachées pour se changer.  

Quelques minutes plus tard, le drame a frappé. Un collègue a découvert Serge Niama Mbicka inanimé, victime d'un malaise foudroyant. Malgré les tentatives désespérées pour le réanimer, il n'a pas pu être sauvé. Un détail poignant témoigne de la détresse de l'homme : dans sa poche, une ordonnance médicale de 4 000 francs, une somme qu'il n'avait pas les moyens de payer.

"C’est une situation qui dure depuis des années. Nous travaillons dur, mais à la fin du mois, nous ne pouvons même pas subvenir à nos besoins les plus basiques", confie un employé sous couvert d'anonymat. L'amertume et la colère sont palpables dans sa voix.

Informé de la situation explosive à la Sogatra, le président de la Transition a dépêché sur place une délégation ministérielle. Mays Mouissi, ministre de l’Environnement, représentant son homologue des Transports, et Adrien Nguema Mba, ministre du Travail, sont venus à la rencontre de la direction de l'entreprise et des employés.

Face à la colère et à l'émotion des salariés, le gouvernement a annoncé le versement immédiat des salaires de janvier, déjà disponibles au Trésor public. Une promesse tenue dans les heures qui ont suivi, mais qui n'a pas suffi à apaiser la colère et la tristesse.

"Le président est conscient de vos difficultés et a donné des instructions fermes pour que cette situation soit résolue au plus vite", a déclaré Mays Mouissi aux employés, promettant un plan d'action pour répondre aux problèmes chroniques de l'entreprise : retards de paiement, départs à la retraite non réglés, absence de couverture santé...

Des promesses accueillies avec un scepticisme teinté de colère par les salariés. Traumatisés par la mort de leur collègue, ils réclament désormais des actions concrètes et immédiates. Ils demandent également que Serge Niama Mbicka, victime collatérale d'un système qui les broie, puisse bénéficier d'un enterrement digne.

La mort tragique de ce magasinier restera gravée dans les mémoires comme un rappel brutal de la situation sociale explosive à la Sogatra et de l'urgence d'agir pour offrir aux employés un avenir plus juste et plus digne.