Près d'un mois que les cours et tribunaux du Gabon travaillent au ralenti en raison des mouvements de grève lancés le 9 janvier dernier par les greffiers puis le 13 du même mois par les magistrats. Et voilà qu'éclate une controverse autour d'un élément essentiel du droit de grève : le service minimum
En effet, dans une communication datant du 6 février, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Paul-Marie Gondjout s'est plaint du non-respect du service minimum par les grévistes. Selon lui, " le service minimum n'est pas suivi à la lettre par les personnels concernés, conformément à la loi n° 18/92 du 18 mai 1993 fixant les conditions et le fonctionnement des organisations syndicales des agents de l'Etat.". Non sans pointer du doigt ceux qui enfreignent cette disposition : " C'est le cas du Syndicat national des greffiers (Synagref) et du Syndicat des greffiers du Gabon (SGG) qui refusent systématiquement de travailler selon le service minimum conçu par la tutelle et transmis aux chefs des juridictions chargés de veiller à l'application stricte des dispositions légales en matière de droit de grève ".
Une accusation que réfutent dans leur ensemble les deux corporations du corps judiciaire en grève. Lesquelles y voient plutôt de la part de la tutelle une volonté sournoise de les diviser pour mieux régner. À cet effet, lors du point de presse tenu hier au tribunal de première instance de Libreville, le Synamag a rappelé, concernant les deux dispositions légales citées en référence par le garde des Sceaux au sujet du service minimum, à savoir la loi n° 1/2005 du 4 février 2005 et la loi n° 18/92 du 18 mai 1993 que "si le premier texte à vocation générale prévoit qu'en cas de grève le service minimum est organisé par la ligne hiérarchique, le second quant à lui, à vocation spéciale, prévoit qu'en cas de grève, le service minimum est organisé par le ou les organisations syndicales concernées".
Avant de poursuivre : "Or en vertu d'un principe général de droit applicable en toutes matières, lorsqu'une situation de fait est régie par deux cadres juridiques, l'un général et l'autre spécial, le cadre juridique spécial l'emporte sur le cadre général et s'applique à titre exclusif".
Un véritable cours de droit fait aux profanes pour indiquer que le service minimum observé depuis le début de leur mouvement est celui instauré par les syndicalistes, conformément aux dispositions légales susmentionnées.
C'est pourquoi, sachant que nul n'est censé ignorer la loi et encore moins le ministre de tutelle, les grévistes estiment que "cet argument juridico-administratif de la tutelle dont la fin inavouée est une démobilisation des grévistes sous couvert d'une menace voilée de suspension de solde ne peut prospérer dans un État de droit".
Aussi ont-ils non seulement appelé leurs collègues à rester mobilisés jusqu'au bout mais également lancé un appel au chef de l'État. "Nous vous demandons solennellement de respecter la parole donnée et de permettre à la justice gabonaise d'être indépendante et efficace", ont-ils martelé.
Pour nous rendre compte de visu de la situation, une équipe de L'Union s'est rendue hier au tribunal de Libreville.
Les couloirs étaient bondés de monde. Les bureaux d'établissement des extraits de casier judiciaire pris d assaut par de nombreuses personnes, pour la plupart des postulants aux différents concours à venir. Plus loin devant la porte 10, chargée des questions de succession, plusieurs personnes attendaient chacune son tour pour s'enquérir de leurs situations. Les agents étaient vraisemblablement à leurs postes conformément au dispositif du service minimum.